Les piliers de la puissance monarchique
Doc 1. L'édit de Villers-Cotterêts, réforme administrative majeure de François Ier

Jusqu’en 1539, le latin est couramment employé pour rédiger les actes légaux, mais son utilisation dans les cours de justice pose des difficultés.

« Art. 110. Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence [des] arrêts [de justice], nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation.

Art. 111. Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus dans lesdits arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploits de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel français et non autrement. »

L’ordonnance établit la valeur légale de nombreux types de documents. C’est le cas pour les registres paroissiaux, livres dans lesquels certains curés notent les principaux événements de la vie des individus.
« Art. 51. Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et l’heure de la nativité, et par l’extrait du dit registre, se pourra prouver le temps de majorité, ou minorité […].
Art. 52. Et afin qu’il n’y ait faute auxdits registres, il est ordonné qu’ils seront signés d’un notaire, avec celui des dits chapitres et couvents, et avec le curé ou vicaire général respectivement, et chacun en son regard, qui seront tenus de ce faire, sous peine des dommages et intérêts des parties [en procès], et de grosses amendes envers nous.
Art. 53. Et lesquels chapitres, couvents et cures, seront tenus de remettre lesdits registres chaque année, par devers le greffe du prochain siège du bailli ou sénéchal royal, pour y être fidèlement gardés et y avoir recours, quand métier et besoin sera. »


François Ier, Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539.
Doc. 2.B. L'évolution des conseillers du roi.
 
Doc. 3.A. Le rôle accru des intendants sous Louis XIV

« Nous vous avons commis, ordonné et député par ces présentes signées de notre main pour vous transporter en notre province de Picardie, avec pouvoir d’assister aux conseils qui seront tenus par nos gouverneurs pour nos plus importantes affaires […], vous donnant pouvoir de faire le procès à tous gens de guerre coupables et à tous ceux qui commettront des rebellions […].
Pour vous transporter dans toutes les paroisses pour examiner si les rôles (1) de taille (2) et de l’impôt du sel ont été bien et dûment faits suivant nos ordonnances et règlements […].
Pour informer de tous les abus qui se commettent en l’administration de la justice […] et connaître de toutes les injustices, fautes et oppressions que nos sujets peuvent souffrir des officiers et ministres de la justice par corruption, négligence, ignorance ou autrement. […] Entendons que vous puissiez [veiller] à l’observation de nos ordonnances touchant la justice, police et finances et le bien et devoir de nos sujets dans toute l’étendue de cette province. »

Louis XIV, Lettre de commission remise en 1674 à Le Tonnelier de Breteuil, intendant de Picardie de 1674 à 1683 (texte modernisé).

(1) rôle = registres (2) taille = impôt direct sur les individus ou sur les terres
Doc. 3.B Les intendants - pilier de la monarchie administrative

Chronologie de la fonction d'intendant
1552 Henri II crée les premiers intendants. Ce sont des agents du roi, nommés et rémunérés pour une durée temporaire (ce qu'on appelle des commissaires, car ils sont commis), chargés d'aller enquêter dans les provinces sur les affaires de justice, d'impôt et de police.
1589-1610: Henri IV poursuit l'usage d'installer des intendants dans les provinces, même si cela n'est pas encore systématique
1635 Sous Richelieu, la fonction d'intendant de justice, police et finances devient systématique même si les intendants n'ont pas de poste fixe (ils se déplacent de province en province).
1635-1649 ​le nombre d'intendants augmente
1680: les intendants sont affectés à un territoire fixe: la généralité.
 
Doc. 2. A. Les conseils du roi, centre et tête du pouvoir monarchique

François Ier et Henri II ont eu l’énergie et l’habileté de mettre à profit les guerres dans lesquelles ils ont lancé la France pour affermir et renforcer l’appareil d’État. La construction monarchique apparaît ainsi comme étant à la fois le produit des circonstances et l’effet d’une volonté politique, non de « centralisation » comme on le dit parfois, mais plutôt d’amélioration de l’action des agents du roi et de contrôle de leurs initiatives.

Le Conseil étroit, laboratoire de la puissance absolue
La section étroite du Conseil s’impose lentement. Elle est composée d’un petit nombre de conseillers choisis, que le roi appelle pour leur compétence : leur présence dépend de la volonté royale, exprimée par un acte spécial (un brevet). Pour comprendre la portée de ce recrutement, il faut se souvenir qu’il y a, dans le Conseil large, deux sortes de conseillers : ceux qui y figurent en vertu de leur naissance et/ou de leur dignité (les princes du sang, qui se considèrent comme les « conseillers-nés » du roi, les autres pairs, les grands officiers de la couronne, en particulier le chancelier, le connétable, l’amiral et le grand maître, les membres des grands lignages) et ceux que leur expérience et leur savoir désignent au choix du roi. Tous ces membres sont dits conseillers d’État (le titre de conseiller du roi est porté par beaucoup d’autres, comme les conseillers des cours souveraines). Dans la longue durée, le roi tendra à privilégier le premier des trois critères de présence (choix royal, naissance et dignité) : sans s’empêcher de choisir un prince du sang ou un duc et pair, il fera peu à peu en sorte que la qualité n’assure plus une présence automatique au Conseil.

Arlette Jouanna, "L'affermissement de l'appareil d'État sous François Ier et Henri II (1515-1559)" dans La France du XVIe siècle, 1483-1598 (2012), pages 189 à 207