Doc. D : le parcours de migrants réfugiés en France
Kouamé a 20 ans et vit à Toulouse. Il a fui son pays parce qu’il était en danger de mort. Il ne révèle pas d’où il vient pour protéger ses proches restés sur place. Il raconte les étapes et de son parcours entre l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée.
Vous avez traversé le Ghana, le Burkina Faso, le Niger, la Libye, l’Algérie, le Maroc, avant d’arriver en Espagne.
[…] En 2012, je me suis retrouvé dans une prison à Gatron à la frontière avec le Niger, où s’entassaient des centaines de personnes […]. Il y avait peut-être vingt personnes par cellule, sous un toit de tôle, avec juste une couverture. Il y avait trois toilettes pour 300 personnes. […]
Vous avez survécu ensuite à la traversée en Méditerranée.
Les passeurs nous ont pris 1 200 euros chacun pour la traversée. D’autres ont payé 2 500 euros parce qu’on leur a fait croire qu’ils allaient monter dans un vrai bateau. En fait, tout le monde s’est retrouvé dans le même petit zodiaque de 6 mètres de long. Nous étions 54 personnes. […] Les passeurs avaient des armes, des machettes. Ils nous ont dépouillés du peu qu’on avait, nous assurant que de l’autre côté de la mer, en Europe, on aurait accès à tout ce qu’on voulait. On est parti à 5 heures du matin de Nador [ville du Nord du Maroc, sur la côte méditerranéenne). On nous avait affirmé qu’on serait en Espagne en 45 minutes. On a été secourus à 19 heures. […] Plusieurs personnes sont mortes.
Sarah Diffala, « Kouamé, rescapé des camps de migrants : "J’ai fui sans me retourner, j’ai fui la mort" », L’Obs, 31 mars 2018
Dorcas est une camerounaise de 28 ans partie de Douala le 15 juillet 2017. Elle a été récupérée par l’Aquarius (1) à la mi-août 2018. (in Alain Morvan, Le Républicain Lorrain, septembre 2018)
« On était 25 à bord dans un petit bateau en bois. J’ai eu très peur de mourir quand les passeurs nous ont abandonnés sans moteur. Ça a duré trois jours. Heureusement, l’Aquarius nous a récupérés. À Malte, j’ai pu appeler ma sœur. Ma famille pensait que j’étais peut-être parmi les migrants disparus en mer dont la télé parle tous les jours. » Ils sont six, comme elle, rescapés de l’Aquarius, à avoir rejoint la Moselle, dans le cadre d’une opération de relocalisation. Sa vie était devenue impossible au Cameroun. « Mon père est décédé quand j’avais dix ans. Ma mère était épileptique. J’étais l’aînée. Je devais faire la manche pour payer ses médicaments. Une amie m’a proposé de rejoindre son frère au Nigeria. Puis nous sommes partis en Libye. Vous savez, c’est un terrible voyage que je viens de faire. .1.
(1) Bateau affrété entre février 2016 et décembre 2018 par l’association SOS Méditerranée pour sauver les migrants en mer Méditerranée.