La Chine à la conquête de l'espace, des mers et océans Tale HGGSP
Texte 1
Stratégie. Comment la Chine étend son empire maritime

«La Chine a dépensé des milliards de dollars pour construire son réseau d’installations portuaires et sécuriser les routes maritimes empruntées par ses navires dans le monde entier. Cette enquête du Financial Times montre le chemin déjà parcouru par l’empire du Milieu pour devenir une superpuissance de la mer. Le port pakistanais de Gwadar, sur la mer d’Arabie, surplombe les artères vitales de l’énergie mondiale. Les voies maritimes à proximité voient passer l’essentiel du pétrole importé par la Chine; toute interruption dans le trafic pourrait provoquer l’asphyxie de la deuxième économiemondiale. La place portuaire de Gwadar, financée, construite et possédée par la Chine, occupe donc un emplacement stratégique. [...] Gwadar fait partie en réalité d’un schéma beaucoup plus ambitieux, orchestré par le président Xi Jinping, visant à faire de la Chine une superpuissance maritime. [...]
Grâce à des investissements réalisés dans des ports situés partout sur le globe, les Chinois sont devenus les premiers opérateurs portuaires au monde. Leurs compagnies maritimes transportent plus de fret que n’importe quelle autre nation. [...] Leurs services de garde-côtes disposent de la plus grosse flotte de police maritime au monde, et leur marine connaît la plus forte croissance parmi les grandes puissances, tandis que leur flottille de pêche compte par moins de 200000navires de hautemer. L’émergence de la Chine en tant que superpuissance maritime vise à contrecarrer la volonté des États-Unis de régner en maître sur les mers, un élément essentiel du maintien de la Pax americana, cette période de paix relative dont a bénéficié l’Occident depuis la fin de la Seconde Guerremondiale. [...]
La Chine a une perception de l’influence maritime qui se rapproche de celle d’Alfred Mahan, un stratège américain du XIXe siècle, pour qui “le contrôle des mers grâce à une suprématie maritime commerciale et militaire permet d’exercer une influence prépondérante sur le monde, car rien ne facilite plus que la mer les indispensables échanges, et ce quelle que soit la richesse d’un territoire”. Le “modèle de Gwadar”, qui consiste pour la Chine à s’assurer la mainmise sur une base commerciale stratégique grâce à son savoir-faire commercial et à sa puissance financière, pour mieux l’enrôler ensuite à des fins militaires, a été reproduit en plusieurs autres emplacementsclés. Ainsi, au Sri Lanka, en Grèce ou à Djibouti dans la Corne de l’Afrique, les investissements chinois dans des ports civils ont à chaque fois été suivis par des déploiements ou visites de vaisseaux de la marine de l’Armée nationale populaire chinoise.»

J. Kynge, C. Campbell, A. Kazmin et F. Bokhari, «Stratégie. Comment la Chine étend son empire maritime», Courrier International, traduction d’un article du Financial Time, 2 février 2017
Texte 2
Le fléau de la pêche illégale chinoise en Afrique

« Les côtes africaines sont les plus pillées au monde et les pêcheurs chinois sont à la manœuvre.Avec des prises qui dépassent les 3millions de tonnes par an, les conséquences sont désastreuses. Les deux tiers des prises chinoises à l’étranger se font dans les eaux du continent, ce qui pose plusieurs problèmes.
D’abord, la biodiversité est en danger. La plupart de ces navires sont en effet des chalutiers de fond parmi les plus destructeurs. Des bateaux de plus en plus imposants et qui mettent directement en danger la survie des espèces. En deux décennies, la population de mérous a diminué de plus de 80% en Afrique de l’Ouest. La diminution des stocks de poissons explique cette extension des entreprises chinoises vers l’Afrique.Alors que seuls treize navires opéraient dans les eaux africaines en 1985, ils sont plus de cinq cents aujourd’hui à battre pavillon chinois.Ensuite, les conséquences sur le travail des pêcheurs locaux. Les navires chinois revendent environ un tiers de leur production sur les marchés africains et concurrencent ainsi directement les pêcheurs du continent. Ils exportent un tiers de leur poisson en Europe et le dernier tiers en Chine continentale. […] Vingt-quatre pays africains ont lancé un appel à Pékin pour tenter de mettre un terme à la pêche illégale sur les côtes africaines. Pas moins de 90millions de personnes sont concernées, mais [cet appel] risque de faire plouf auprès de pêcheurs chinois tellement avides de ressources africaines »

Sébastien Le Belzic, «L’Afrique se mobilise contre les pêcheurs chinois illégaux», Le Monde, 11 janvier 2016.
Texte 3
L'affirmation de la politique spatiale chinoise dans les années 2000
La Chine a procédé à son premier vol spatial habité en 2003, rejoignant ainsi les États-Unis et la Russie parmi les rares puissances qui peuvent envoyer des humains dans l'espace et les faire revenir. Le lancement de la capsule Shenzhou, avec à son bord le premier taïkonaute chinois, fut un événement politiquement autant que scientifiquement important. Au-delà de l'intérêt scientifique certain, il apparaît clairement que la Chine a fait le choix de l'autonomie stratégique, et s'en donne les moyens. Qu'on en juge par l'exemple des satellites de géolocalisation : au début des années 2000, la Chine a pris un « ticket » dans le programme européen Galileo, destiné à fournir une alternative au GPS américain. Les retards pris par le programme européen ont poussé la Chine à lancer son propre système de géolocalisation. Et comme elle n'est handicapée ni par le manque de fonds, ni par les processus de décision, son système baptisé « Beidou » est devenu opérationnel avant Galileo. La Chine a également décidé de créer sa propre station spatiale après s'être vue refuser par les Américains la participation à la station internationale, l'ISS. Et en 2007, la Chine a testé son premier missile antisatellite, capable de détruire, à partir de la Terre, un satellite en orbite, relançant, de fait, la course aux armements dans l'espace. Le premier satellite chinois mis en orbite en 1970 pouvait simplement diffuser une chanson intitulée « L'Orient est rouge ». La Chine a fait du chemin dans l'espace depuis.
Source: Pierre Haski, Géopolitique de la Chine, Eyrolles, 2018
Texte 5
La face cachée de la Lune, une étape de plus dans l'aventure spatiale chinoise

« Après avoir franchi les mêmes étapes que ses grands modèles et désormais rivaux dans l’approche lunaire, troisième pays à réaliser un alunissage en douceur avec l’engin automatique Chang’e 3 en 2014, la Chine a été la première à se poser sur la face cachée de la Lune et à en envoyer des images. […] En faire un exploit illustre le vieux souhait chinois d’être perçu comme membre d’un club exclusif. Du premier lancement d’un satellite le 24 avril 1970 au premier taïkonaute le 15 octobre 2003, il s’est toujours agi pour l’empire du Milieu d’être accepté en tant que grande puissance, a fortiori pour des missions prestigieuses d’exploration spatiale.
S’y ajoutent aujourd’hui de nouvelles considérations dont la “montée en gamme”. Les capacités spatiales représentent des atouts au cœur de la transition économique martelée par Xi Jinping, qui souhaite voir la croissance du pays post-crise économique mondiale reposer non plus sur l’export de produits manufacturés, mais sur la consommation nationale et les produits de haute technologie. Le succès des missions d’explorations lunaires sous les mandats Xi, même si elles ont été planifiées bien avant sa nomination, s’articule opportunément avec ces considérations.[…] Les images de la “face cachée” de la Lune, utiles en particulier pour l’observation astronomique dépolluée de toute radiation venue de la Terre, deviennent un monopole chinois.
Cela ouvre la possibilité de toutes sortes de “narratifs”, farfelus ou non, à propos des intentions chinoises, par exemple celui qui consisterait à imaginer une “militarisation larvée” de ce territoire. Audace, assertivité et une part de mystère, l’expédition Chang’e cumule donc tous les traits caractéristiques de l’aventure chinoise.»

J.-F. Di Meglio et L. Senechal-Perrouault, «L’espace, nouvelle frontière des ambitions chinoises», Les Echos-Le Cercle, 13janvier 2019
Texte 4
La Chine face aux Etats-Unis dans le « vide géopolitique» de l'espace

« Qui tranchera une dispute entre Chinois et Américains sur un filon de glace lunaire? Contrairement à la période de la guerre froide, la nouvelle conquête spatiale se déroule dans un relatif vide juridique. Dans les années 1960 et 1970, Washington et Moscou avaient négocié plusieurs traités sur l’espace, principalement pour garantir la coopération scientifique et interdire les armes de destruction massive dans l’espace.
“Ces traités sont trop vagues pour s’appliquer juridiquement à des questions comme l’exploitation des ressources minières dans l’espace”, dit Frans von der Dunk, professeur de droit spatial à l’université du Nebraska-Lincoln.Ces traités sont surtout dépassés par les nouvelles technologies militaires: lasers antisatellites,cyberattaques,brouillage des trans-missions, missiles tirés depuis la Terre pour détruire un satellite, comme la Chine l’a testé en 2007 et continue de le faire à blanc… Il n’existe pas d’équivalent de lois de la guerre pour l’espace. Un satellite entrant en collision avec un autre, cela constitue-t-il une “attaque”? Comment définir la proportionnalité d’une riposte? Les satellites civils doivent-ils être protégés de représailles, mais quid des satellites à usages civils et militaires? Et comment répondre à une cyberattaque dont l’auteur est incertain?“Les Chinois ont réalisé des expériences pour interférer dans nos communications”, dit Jack Beard, du programme de droit spatial à l’Université du Nebraska.
Il rappelle que des satellites civils et de la NASA ont été attaqués en 2007 et 2008 par des pirates pendant plusieurs minutes. “Les États-Unis sont vulnérables car ils ont pris du retard face aux menaces contre nos systèmes spatiaux”, ajoute Todd Harrison. Or le dialogue avec Pékin est quasi nul, contrairement à ce qui existait avec Moscou pendant la guerre froide. “En cas de crise dans l’espace avec la Chine, je ne suis pas sûr que notre armée sache qui appeler”, dit l’expert »

La Chine rivale céleste des États-Unis, AFP, 4janvier 2019
Texte 6
Les enjeux économiques de la mer de Chine méridionale

« La mer de Chine méridionale représente également d’importants enjeux économiques. C’est par elle que transite une grande partie du commerce de et vers la Chine. L’exploitation off-shore du pétrole, sujet de contentieux permanent avec le Vietnam, avait conduit à un face-à-face tendu en 2014 quand Hanoï avait envoyé ses bateaux de pêche harceler la plateforme pétrolière chinoise Haiyang-981, qui mouillait au large des Paracels. Pékin avait déployé ses pêcheurs et envoyé ses garde-côtes éperonner les chalutiers vietnamiens.
Enfin, la pêche a joué un rôle central dans l’expansion chinoise. Les pêcheurs chinois n’ont été officiellement autorisés à se rendre dans les Spratley qu’à partir de 1985. [Envoyer là-bas des pêcheurs servait en partie des motivations stratégiques] […] Puis, dans les années 2000, les accords de pêche avec le Vietnam dans le golfe du Tonkin, et la surpêche dans les eaux côtières, poussent les pêcheurs chinois à explorer le large. L’État chinois multiplie les subventions, notamment pour le carburant et l’acquisition de chalutiers plus grands et plus performants. La croissance de l’économie chinoise – et ses besoins en nourriture – crée une nouvelle dynamique, qui alimente et justifie les visées d’expansion.
Les pêcheurs de Hainan, dont certains sont organisés en milices populaires, ont très souvent été impliqués dans les incidents qui ont conduit à l’intervention de la Chine et ensuite à une prise de contrôle territoriale, comme pour celle de l’atoll de Scarborough, confisqué aux Philippines en 2012 après l’arraisonnage de braconniers chinois par la Marine philippine.»

Brice Pedroletti, «Pékin élève sa grande muraille de sable», Atlas de l’eau et des océans, Le Monde hors-série, 2017
Texte 7
Les nouveaux objectifs de la défense maritime chinoise

« Sauvegarder résolument la souveraineté de la Chine, sa sécurité et le développement de ses intérêts, voici le but fondamental de la défense nationale de la Chine à l’ère nouvelle.Les objectifs de la défense nationale chinoise: dissuader et résister à une agression; préserver la politique; s’opposer et contenir “l’indépendance de Taïwan”; s’attaquer aux promoteurs de mouvements séparatistes comme “l’indépendance du Tibet” et la création d’un “Turkestan de l’Est”; préserver la souveraineté nationale, l’unité, l’intégrité et la sécurité du territoire; préserver les droits et intérêts maritimes de la Chine; préserver les intérêts de la sécurité de la Chine dans l’espace, l’espace électromagnétique et le cyberespace; préserver les intérêts de la Chine outre-mer et soutenir le développement durable du pays. »

Extraits du Livre blanc 2019 («La défense nationale de la Chine à l’ère nouvelle») du ministère de la Défense nationale de la République populaire de Chine

Texte 8
« Le Groenland apparaît comme la nouvelle frontière minière mondiale »

par Didier Julienne, Le Monde, Publié le 14 février 2025 (extraits)

Face aux ambitions de Donald Trump et son intention de « prendre » le Groenland au Danemark, la Chine de Xi Jinping reste pour l’instant muette. Elle poursuit cependant un double objectif dans l’Arctique. L’un est économique, et notamment minier, l’autre est stratégique : diffuser son influence sur Nuuk, la capitale de l’île, pour répliquer à l’influence des Etats-Unis sur Taïwan.
Le Groenland apparaît comme la nouvelle frontière minière mondiale. Ses richesses minérales de ses plus de 2 millions de km² semblent immenses en minéraux : béryllium, cobalt, cuivre, diamants, feldspath, gallium, hafnium, lithium, molybdène, nickel, niobium, or, platinoïdes, strontium, tantale, terres rares, titane, uranium, vanadium, tungstène… En outre, le potentiel réel du pays reste inconnu. Quelque 250 sociétés d’exploration armées de 700 permis prospectent moins de 2 % du territoire sur les 20 % de zones côtières accessibles. Les 80 % restant, sous la glace, recèlent d’autres richesses.
La stratégie de Pékin pour gagner des accès miniers, soit comme opérateur direct soit comme actionnaire stratégique, est éprouvée et ancienne. C’est celle de l’excellence de ses filières minières et métallurgiques. Elaborée au plus haut niveau de l’Etat, notamment par Wen Jiabao, ancien premier ministre (2003-2013) et géologue, elle fut un succès. La Chine a ainsi gagné ses accès au nickel d’Indonésie, au cobalt de République démocratique du Congo, au cuivre du Pérou, au lithium du Chili, et l’Occident n’a pas réagi.
La Chine considère l’Arctique, ainsi que l’Antarctique, les fonds marins et l’espace, comme des espaces non gouvernés ou sous-gouvernés. Tandis que certains de ses discours extérieurs soulignent la nécessité de contraindre la concurrence dans ces domaines, plusieurs autres révèlent une position plus cynique, insistant sur la nécessité de se préparer à la compétition sur ces espaces et sur leurs ressources. Un chef de l’Institut de recherche polaire de la Chine, par exemple, a qualifié ces types d’espaces publics de « trésors de ressources les plus compétitifs ». La loi chinoise sur la sécurité nationale crée la capacité juridique de protéger les droits de la Chine sur ces derniers, et les hauts responsables du Parti communiste chinois (PCC) ont suggéré que la part de la Chine sur ces ressources soit égale à sa proportion de la population mondiale.
Texte 9
La Chine envoie trois astronautes vers la station spatiale Tiangong

Le Monde avec AFP - Publié le 29 octobre 2024

La Chine a envoyé dans la nuit de mardi à mercredi 30 octobre 2024 un nouveau trio d’astronautes vers sa station Tiangong (« Palais céleste »), une mission baptisée « Shenzhou-19 » destinée notamment à préparer l’envoi d’une équipe sur la Lune. Le grand objectif du géant asiatique est de faire atterrir d’ici à 2030 un équipage sur l’astre lunaire, puis d’y achever aux alentours de 2035 la construction d’une base de recherche scientifique internationale.
Selon l’Agence chinoise des vols habités (CMSA), citée par Chine nouvelle, le lancement a été un « succès complet » et, environ dix minutes après le décollage, le vaisseau transportant les astronautes s’est séparé de la fusée et est entré en orbite. Après l’arrimage en douceur de leur vaisseau à Tiangong vers 11 heures (4 heures, heure à Paris), ils sont ensuite entrés dans le laboratoire orbital, a fait savoir Chine nouvelle.
L’équipage est dirigé par Cai Xuzhe, 48 ans. Il est accompagné par Song Lingdong, un ancien pilote de l’armée de l’air de 34 ans, qui n’est jamais allé dans l’espace. Ils feront équipe avec Wang Haoze, 34 ans. Seule Chinoise ingénieure de vol spatiaux, elle devient la troisième femme chinoise dans l’espace. « Comme tout le monde, je rêve d’aller voir la station spatiale », avait-elle déclaré, mardi, lors d’une rencontre avec la presse. « Je veux accomplir méticuleusement chaque tâche et protéger notre maison dans l’espace. » Ils ont été accueillis dans Tiangong par les trois astronautes de la mission précédente, Shenzhou-18, en orbite depuis avril et qui redescendront sur Terre le 4 novembre.
Les astronautes de Shenzhou-19 resteront en orbite jusqu’à la fin d’avril ou au début de mai. Ils mèneront 86 expériences, notamment en matière de sciences de la vie, science des matériaux, physique fondamentale, microgravité ou médecine, a détaillé la CMSA.
Le géant asiatique a considérablement développé ses programmes spatiaux depuis une trentaine d’années, injectant des milliards d’euros dans ce secteur afin d’arriver au niveau des Etats-Unis, de la Russie ou de l’Europe. La Chine avait posé en 2019 un engin spatial (la sonde Chang’e-4) sur la face cachée de la Lune, une première mondiale. Elle avait également fait atterrir en 2021 un petit robot sur Mars.
Texte 10 Les ambitions de Xi Jinping en 2027