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« Le Groenland apparaît comme la nouvelle frontière minière mondiale »
par Didier Julienne, Le Monde, Publié le 14 février 2025 (extraits)
Face aux ambitions de Donald Trump et son intention de « prendre » le Groenland au Danemark, la Chine de Xi Jinping reste pour l’instant muette. Elle poursuit cependant un double objectif dans l’Arctique. L’un est économique, et notamment minier, l’autre est stratégique : diffuser son influence sur Nuuk, la capitale de l’île, pour répliquer à l’influence des Etats-Unis sur Taïwan.
Le Groenland apparaît comme la nouvelle frontière minière mondiale. Ses richesses minérales de ses plus de 2 millions de km² semblent immenses en minéraux : béryllium, cobalt, cuivre, diamants, feldspath, gallium, hafnium, lithium, molybdène, nickel, niobium, or, platinoïdes, strontium, tantale, terres rares, titane, uranium, vanadium, tungstène… En outre, le potentiel réel du pays reste inconnu. Quelque 250 sociétés d’exploration armées de 700 permis prospectent moins de 2 % du territoire sur les 20 % de zones côtières accessibles. Les 80 % restant, sous la glace, recèlent d’autres richesses.
La stratégie de Pékin pour gagner des accès miniers, soit comme opérateur direct soit comme actionnaire stratégique, est éprouvée et ancienne. C’est celle de l’excellence de ses filières minières et métallurgiques. Elaborée au plus haut niveau de l’Etat, notamment par Wen Jiabao, ancien premier ministre (2003-2013) et géologue, elle fut un succès. La Chine a ainsi gagné ses accès au nickel d’Indonésie, au cobalt de République démocratique du Congo, au cuivre du Pérou, au lithium du Chili, et l’Occident n’a pas réagi.
La Chine considère l’Arctique, ainsi que l’Antarctique, les fonds marins et l’espace, comme des espaces non gouvernés ou sous-gouvernés. Tandis que certains de ses discours extérieurs soulignent la nécessité de contraindre la concurrence dans ces domaines, plusieurs autres révèlent une position plus cynique, insistant sur la nécessité de se préparer à la compétition sur ces espaces et sur leurs ressources. Un chef de l’Institut de recherche polaire de la Chine, par exemple, a qualifié ces types d’espaces publics de « trésors de ressources les plus compétitifs ». La loi chinoise sur la sécurité nationale crée la capacité juridique de protéger les droits de la Chine sur ces derniers, et les hauts responsables du Parti communiste chinois (PCC) ont suggéré que la part de la Chine sur ces ressources soit égale à sa proportion de la population mondiale.