Le tour du monde en 1124 jours
En quoi le voyage de Magellan marque-t-il la fin de la période des découvertes?

Les rivalités entre Portugais et Espagnols

Doc facultatif: Lettre en malais du sultan Abu Hayat, annonçant au roi du Portugal l'arrivée des Espagnols à Ternate. (de Malacca, 28 août 1522)

Louange à Dieu, le maître des mondes ! Ô compatissant! Oh pitoyable!
Ceco est une lettre d'amitié du sultan Abu Hayat, une lettre adressée à son cher père, le sultan de Portugal, de la planète et du monde, - c'est lui, le tout magnifique - afin d'exprimer la situation du pays: pensez que son cher parent, le sultan Bayan Sirrullah [1] quitta le pays de Ternate [2], et voilà tout le problème du pays de Ternate.

A présent le roi de Castille a fait parvenir deux navires, portant ses armes et ses richesses, et protégeant le port du roi de Tidore [3], dorénavant un port du roi de Castille. Le sultan de Portugal protégeait le sultan de Ternate, car le port du sultan de Ternate est le port du sultan du Portugal. Maintenant, le roi de Castille donne au roi de Tidore quarante fusils et soixante-dix arcs; les arcs sont promis, et cette année viendront à Tidore.

Un navire fit voile au mois de Muharram [4], et un navire resta, attendant les vingt navires [5]; une année encore; ils viendront. Quant à votre cher fils, le sultan Abu Hayat, il n'a d'autre espoir que l'espoir en son cher père, le sultan de Portugal [...]

[1] l'ancien sultan de Ternate
[2] Euphémisme pour dire qu'il fut empoisonné, donc.
[3] Le sultan de Tidore, rival du sultan de Ternate a donc accueilli les Espagnols de l'expédition de Magellan.
[4] décembre 1521. Le Victoria d'Elcano partit le 21 décembre de Tidore
[5] il s'agissait d'une invention des Espagnols pour renforcer le prestige du roi de Castille. Aucune flotte n'était prévue.
Doc facultatif: l'arrivée d'Elcano à Séville

Journal d'Antonio Pifagetta: Navigation et découvrement de l'Inde supérieure & îles de Malucque où naissent les clous de girofle.

Samedi 6 Septembre 1522, nous entrâmes en la baie de San Lucar [1] et n'étions que dix-huit hommes, la plupart malades, du reste des soixante [2] qui étaient partis de Malucque, dont les uns moururent de faim, les autres s'en allèrent en l'île de Timor [3], et les autres avaient été punis à mort pour leurs délits[4].
Depuis le temps que nous partîmes de cette baie jusqu'au jour présent, nous avions fait 14460 lieurs [5] et accompli le cercle du monde de levant au ponant.

Lundi 8 septembre, nous jetâmes l'ancre près du môle de Séville et y déchargeâmes toute l'artillerie. Et le mardi, nous tous en chemises et pieds nus, allâmes chacun une torche en main visiter le lieu de Sainte-Marie-de-la-Victoire et celui de Sainte-Marie-de-l'Antique [6]
Moi parti de Séville, j'allai à Valldolid où je présentai à la sacrée majesté de monseigneur Charles [7], non pas or ni argent, mais chose pour être prisée d'un tel seigneur. Et entre les autres je lui donnai un livre écrit de ma main, traitant de toutes les choses passées du jour en jour en notre voyage.

[1] près de Séville. C'est le port d'où est partie l'expédition.
[2] Pigafetta a donné le nombre de 47 Européens et treize indigènes au départ des Molucques. Le détail des pertes s'établit ainsi: 24 morts en mer, 13 prisonniers au Cap-Vert, 2 déserteurs à Timor,. 18 Européens et 3 Moluquois débarquent à Séville.
[3] Bartolomé de Saldana et Martin de Ayamonte sont déserteurs.
[4] sans doute une mutinerie.
[5] soit environ 86800 km
[6] Deux représentations de le vierge Marie.
[7] Charles Quint
Conséquences Voyage Magellan
Après le voyage de Magellan, le traité de Saragosse (22 avril 1529) sous le pape Clément VII fixe la seconde ligne de partage dans le Pacifique à 133° de longitude est, avec une enclave espagnole pour les Philippines.

Par le traité de Saragosse, on définit la continuation du méridien de Tordesillas comme étant à 297,5 lieues des Iles Moluques. Le Portugal doit payer à l'Espagne 350 000 ducats d'or. Charles Quint a besoin de cet argent pour financer ses guerres contre son rival François Ier de France et la ligue de Cognac qui l'appuie.
Figures historiques à mobiliser et termes à définir
  • Magellan
  • Charles Quint
  • Traité de Tordesillas

Doc. 2 La difficile traversée de l'Atlantique
Extraits du Journal de bord d’Antonio Pigafetta, marin et chroniqueur italien du XVIᵉ siècle qui a participé à l’expédition de Magellan, 1522 : « Nous naviguâmes pendant le cours de trois mois et vingt jours, sans goûter d'aucune nourriture fraîche. Le biscuit que nous mangions n'était plus du pain mais une poussière mêlée de vers qui en avaient dévoré toute la substance et qui, de plus, était d'une puanteur insupportable, étant imprégnée d'urine de souris. L'eau que nous étions obligés de boire était également putride et puante [...]. Notre plus grand malheur était de nous voir attaqués d'une espèce de maladie par laquelle les gencives se gonflaient au point de surmonter les dents [...]. Dix-neuf d'entre nous en moururent. » Antonio Pigafetta, Journal de bord, Boutan-Marguin, Paris, 1522
Doc 3. La Découverte Du Détroit De Magellan, Relation De Pigafetta
Doc 1. Le traité de Tordesillas en 1494
Jean-Frédéric Schaub
L'Histoire N°355; 2010
 
Doc 4. Carte représentant le trajet de l'expédition de Magellan
Magellan reste associé à la première circumnavigation, achevée il y a 500 ans. Pourtant le navigateur portugais mourut en route et ne fit jamais le tour du monde. L'objectif du capitaine général Magellan n'était d'ailleurs en aucun cas de faire le tour du monde, mais de trouver une voie vers les Moluques, les riches « îles aux Épices ». A la tête de cinq nefs, il partit de Séville le 10 août 1519 et s'élança sur l'océan le 20 septembre. Seul un bateau revint, avec à son bord des survivants exsangues, dont les témoignages permettent de connaître, presque jour par jour, cette expédition.
 
Doc 3 bis Carte de Pigafetta représentant la partie méridionale de l’Amérique du Sud, notamment le détroit de Magellan, découvert au cours du voyage
 
Doc. 5. Une nouvelle vision du monde. L'atlas portulan de Battista Agnese 1544
1544 Atlas portulan de Battista Agnese
Atlas portulan attribué à Battista Agnese. Petit portulan, avec légendes latines et italiennes.
Battista Agnese, un des cartographes les plus importants de la Renaissance italienne, naquit à Gênes. Il travailla à Venise entre 1536 et 1564. C'est durant cette période, en 1544 environ, qu'il produisit cet atlas manuscrit somptueux sur vélin, bien exécuté à la plume, à l'encre et à l'aquarelle, avec des enluminures dorées et argentées. L'atlas reflète les dernières connaissances géographiques, principalement acquises suite aux voyages des explorateurs espagnols et portugais au cours de la première moitié du XVIe siècle.

GLobalisation acte I: Article de Carmen dans l'Histoire N°476 daté octobre 2020 (extrait): La découverte du détroit de Magellan est une révolution : elle précise les contours du Nouveau Monde et l'étendue réelle de l'océan Pacifique. La première circumnavigation achevée par Elcano a des répercussions rapides en Europe et dans le bassin méditerranéen. Bien que le calcul des longitudes reste encore imprécis jusqu'au XVIIIe siècle, l'image globale du monde est mieux connue, comme le montre pour la première fois la mappemonde de Battista Agnese qui, en 1543, incorpore d'ailleurs dans son dessin les routes du « grand voyage ». La partition du monde entre Espagne et Portugal, établie depuis 1494 par le traité de Tordesillas, jusqu'alors contestée en Asie, se concrétise : en 1529, quelques années après le retour de la Victoria à Séville, le traité de Saragosse accorde les Philippines à l'Espagne tandis que les Moluques reviennent finalement au Portugal, moyennant une compensation financière.