Texte 6: Les médias, reflet ou creuset de l'opinion publique ?
Pendant le conflit vietnamien les téléspectateurs assistent à des reportages sur les bombardements, les patrouilles, voire les combats rapprochés. Des images de carnage franchissent l’océan pour se répandre dans les foyers à l’heure de grande écoute du « prime-time ». De cette version télévisée de la guerre, Lyndon Johnson dira en 1968 qu’elle a installé le défaitisme chez les Américains.
C’est surtout à partir de 1965 que l’envoi de troupes s’accélère pour atteindre rapidement le demi-million d’hommes. L’accroissement des bombardements, puis en 1968 l’offensive du Têt, traduisent les mécomptes de l’escalade au point de contraindre Johnson à renoncer à un nouveau mandat présidentiel. Y a-t-il cependant corrélation entre les réactions négatives du public et les déboires de la stratégie militaire ? A l’évidence les familles américaines passent alors davantage de temps devant leur téléviseur qu’à la lecture des journaux. Les images de l’offensive du Têt ne s’accompagnent pas couramment de commentaires visant à situer les combats dans un ensemble de données tactiques ou diplomatiques. Aussi les téléspectateurs sont-ils prompts à déduire de la brutalité des images une impression d’enlisement progressif.
Peut-être ces images bouleversantes du conflit vietnamien ne suffisent-elles pas totalement à expliquer l’hostilité du public vis-à-vis de l’engagement militaire. Elles sont toutefois complétées par de nombreux reportages sur les manifestations pacifistes qui créent un effet de masse, conférant ainsi à l’agitation de la rue ou des campus la dimension d’une « seconde guerre de Sécession », avec discours enflammés et foules imposantes où abondent des jeunes gens en âge d’être appelés sous les drapeaux.
Source: Royot, Daniel. « La guerre dans un fauteuil : le Vietnam, les civils et les médias ». La Guerre du Vietnam et l’opinion publique américaine (1961-1973), édité par Jean Cazemajou et Jean-Michel Lacroix, Presses Sorbonne Nouvelle, 1991,