Avancées et reculs démocratiques
Doc 5 bis la dernière photo d'Allende
 

Comment le coup d'Etat d'Augusto Pinochet met-il fin à l'expérience socialiste et démocratique de Salvador Allende, élu président du Chili en 1970 ?



Doc 1. L'élection démocratique de Salvador Allende, socialiste, en 1970

Un programme socialiste d'inspiration marxiste-léniniste:

1. Le Parti socialiste, comme organisation marxiste-léniniste, pose la prise du pouvoir comme objectif stratégique à atteindre par cette génération, pour instaurer un État révolutionnaire qui libérerait le Chili de sa dépendance et du retard économique et culturel, et entamer la construction du socialisme.
2. La violence révolutionnaire est inévitable et légitime. Elle est le résultat nécessaire du caractère violent et répressif de l’État-classe. Elle constitue l’unique chemin qui mène à la prise du pouvoir politique et économique et à sa défense.
3. Les formes pacifiques ou légales de lutte […] ne conduisent pas en elles-mêmes au pouvoir. Le Parti socialiste les considère comme des instruments limités d’action, intégrés au processus politique qui nous emmène à la lutte armée.

Convention du 22e congrès du Parti socialiste chilien, 1967
 
Doc. 4 La fin des prêts de la Banque mondiale auprès du Chili
Après l’élection d’Allende, les États-Unis et la Banque mondiale décident de limiter l’aide économique en faveur du pays. La baisse des aides provoque une profonde crise économique dans le pays ce qui favorise le ralliement d'une partie de la population aux idées conservatirces.
 
Doc. 2: les premières réformes mises en place par Allende
 

Doc 3. A l'origine du coup d'Etat, la peur de la menace communiste aux Etats Unis



Dès 1970, le secrétaire d’État américain (équivalent du ministre des Affaires étrangères aux États-Unis) faisait part en conférence de presse des inquiétudes que suscitait l’arrivée au pouvoir de Salvador Allende, à la tête d’un gouvernement de gauche.

Il est fort probable qu’[Allende] instaure en quelques années un genre de régime communiste. Dans ce cas, il ne s’agirait plus de faire face à une île au large de la côte (1) , qui n’avait traditionnellement pas de liens ni d’influence forte en Amérique latine, mais d’avoir un gouvernement communiste à la tête d’une des plus grandes puissances d’Amérique latine […] Il s’agit là d’une de ces situations plutôt malheureuses pour les intérêts américains. »



Henry Kissinger, discours, 16 septembre 1970.

(1) Henry Kissinger fait référence à la république de Cuba.
Doc. 5: La dictature militaire d'Augusto Pinochet

Le 11 septembre 1973, un coup d'Etat militaire fomenté par le chef d'Etat-Major de l'armée, Augusto Pinochet, renverse le Président du Chili en exercice, Salvador Allende. Celui-ci avait pris la tête depuis 1970 d'un vaste mouvement politique réunissant socialistes et communistes, l'Unité Populaire. S'appuyant sur les courants les plus à gauche de l'opinion, Allende avait adopté des mesures économiques et sociales radicales (nationalisation des entreprises étrangères, réforme agraire) qui ont fait craindre à certaines couches de la population et aux Américains une évolution vers une politique de type cubain.

Les difficultés économiques du pays et la montée du mécontentement face à cette tentative de révolution sociale rendent possible l'éventualité d'un coup d'état. Salvador Allende accepte la tenue d'un référendum sur sa politique économique mais il est renversé le jour de son annonce. Il refuse de fuir son pays et lit aux Chiliens son dernier discours (devenu testament ) depuis le palais présidentiel de la Moneda bombardé. Il se donne ensuite la mort. La répression est immédiate et touche des milliers de militants de gauche et de syndicalistes suspectés de "marxisme". Certains sont emprisonnés dans le stade de Santiago et beaucoup disparaissent dans des conditions non élucidées ou sont contraints à l'exil. Pinochet, Président de la République à partir de décembre 1974, persécute ses opposants de gauche à l'aide d'une féroce police politique, la DINA (Direction nationale d'intelligence).

Dans les années les plus répressives du régime, entre 1973 et 1976, les historiens estiment que le nombre de victimes et de disparus se situe entre 3 000 et 4 000 personnes. Pinochet se maintient au pouvoir jusqu'à son échec lors du plébiscite présidentiel d'octobre 1988. Il est alors contraint d'accepter la tenue d'élections libres en décembre 1989 (cf. "Premières élections libres au Chili depuis 1973"). Il quitte le pouvoir en janvier 1990 mais reste ensuite commandant en chef de l'armée jusqu'en 1998 où il devient sénateur à vie. Il est arrêté le 16 octobre de cette même année au Royaume-Uni suite à des plaintes déposées pour disparitions d'opposants politiques. Un long procès d'extradition s'engage alors et aboutit à son retour au pays en mars 2000. Pinochet, retiré de la vie politique, a alors dû se défendre au cours de différents procès qui, après avoir traîné en longueur en raison de son état de santé, n'ont abouti à aucune condamnation. Il est mort le 10 décembre 2006 sans avoir été jugé.

La difficulté qu'ont éprouvé les Chiliens a juger leur ancien président révèle leurs sentiments contradictoires face à son bilan : si pour certains, il fut avant tout un dictateur qui a légitimé son pouvoir par des exactions sanglantes contre les cadres de gauche, pour d'autres, il fut l'artisan de ce que l'on a appelé le "miracle économique chilien". L'affaire Pinochet était donc d'autant plus sensible qu'elle pouvait réveiller les antagonismes entre ces deux mémoires concurrentes.