Le 11 septembre 1973, un coup d'Etat militaire fomenté par le chef d'Etat-Major de l'armée, Augusto Pinochet, renverse le Président du Chili en exercice, Salvador Allende. Celui-ci avait pris la tête depuis 1970 d'un vaste mouvement politique réunissant socialistes et communistes, l'Unité Populaire. S'appuyant sur les courants les plus à gauche de l'opinion, Allende avait adopté des mesures économiques et sociales radicales (nationalisation des entreprises étrangères, réforme agraire) qui ont fait craindre à certaines couches de la population et aux Américains une évolution vers une politique de type cubain.
Les difficultés économiques du pays et la montée du mécontentement face à cette tentative de révolution sociale rendent possible l'éventualité d'un coup d'état. Salvador Allende accepte la tenue d'un référendum sur sa politique économique mais il est renversé le jour de son annonce. Il refuse de fuir son pays et lit aux Chiliens son dernier discours (devenu testament ) depuis le palais présidentiel de la Moneda bombardé. Il se donne ensuite la mort. La répression est immédiate et touche des milliers de militants de gauche et de syndicalistes suspectés de "marxisme". Certains sont emprisonnés dans le stade de Santiago et beaucoup disparaissent dans des conditions non élucidées ou sont contraints à l'exil. Pinochet, Président de la République à partir de décembre 1974, persécute ses opposants de gauche à l'aide d'une féroce police politique, la DINA (Direction nationale d'intelligence).
Dans les années les plus répressives du régime, entre 1973 et 1976, les historiens estiment que le nombre de victimes et de disparus se situe entre 3 000 et 4 000 personnes. Pinochet se maintient au pouvoir jusqu'à son échec lors du plébiscite présidentiel d'octobre 1988. Il est alors contraint d'accepter la tenue d'élections libres en décembre 1989 (cf. "Premières élections libres au Chili depuis 1973"). Il quitte le pouvoir en janvier 1990 mais reste ensuite commandant en chef de l'armée jusqu'en 1998 où il devient sénateur à vie. Il est arrêté le 16 octobre de cette même année au Royaume-Uni suite à des plaintes déposées pour disparitions d'opposants politiques. Un long procès d'extradition s'engage alors et aboutit à son retour au pays en mars 2000. Pinochet, retiré de la vie politique, a alors dû se défendre au cours de différents procès qui, après avoir traîné en longueur en raison de son état de santé, n'ont abouti à aucune condamnation. Il est mort le 10 décembre 2006 sans avoir été jugé.
La difficulté qu'ont éprouvé les Chiliens a juger leur ancien président révèle leurs sentiments contradictoires face à son bilan : si pour certains, il fut avant tout un dictateur qui a légitimé son pouvoir par des exactions sanglantes contre les cadres de gauche, pour d'autres, il fut l'artisan de ce que l'on a appelé le "miracle économique chilien". L'affaire Pinochet était donc d'autant plus sensible qu'elle pouvait réveiller les antagonismes entre ces deux mémoires concurrentes.