Avancées et reculs démocratiques
Bonus: Portugal : de la dictature à la démocratie
La dictature au Portugal est la plus longue que l’Europe ait connue au XXe siècle. Au milieu des années 1920, la jeune république...
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Doc 5: La guerre coloniale sans fin

Les soldats portugais en Angola pendant la guerre coloniale de 1961 à 1975. Wikimédia/Guilmann


Le 15 mars 1961 est considéré comme le point de départ officiel de la guerre coloniale en Angola. Ce jour là, commencent d’atroces massacres dans le nord du pays, d’abord dans les régions frontalières avec l’ex-Congo Belge puis dans les régions du Cassange et de Carmona. Les « révoltés » sont munis de machettes et de quelques fusils rudimentaires. Pendant 48 heures, ils arpentent les campagnes massacrant tous ceux qu’ils rencontrent sur leur chemin, dans les « fazendas », les fermes des colons souvent éloignées les unes des autres d’une centaine de kilomètres. Aujourd’hui encore, les historiens ont des difficultés à établir un bilan fiable, mais le chiffre de 800 colons tués est admis au Portugal. Quant aux victimes noires, les employés des fermiers blancs, ce sont majoritairement des Umbundus. Selon les historiens Dalila Cabrita et Alváro Mateus entre 4 000 et 5 000 membres de cette ethnie sont atrocement massacrés par les Bakongos, exaltés et convaincus d’être protégés contre les maléfices.

Enrôlés par l’UPA, l’Union des populations angolaises, ils échappent à tout contrôle. Dans leur livre « Angola 61 », ces historiens établissent avec certitude que Salazar alors au pouvoir était informé de l’imminence d’une attaque rebelle, probablement dès 1959. Aussitôt après l’attaque contre la garnison de Luanda le 4 février 1961, ce massacre sera le prétexte que le dictateur attendait pour envoyer massivement des troupes militaires. Jamais Salazar ne reconnaîtra l’existence des mouvements indépendantistes, qualifiés de terroristes. L’Etat nouveau s’opposera à toute idée de fédéralisme entre les provinces d’outremer et la métropole. En 1960, il y a 6 500 militaires (1 500 métropolitains) en Angola, à la fin de 1961 ils seront 33 000, puis 67 000 en 1973. Au total les trois fronts militaires de la guerre coloniale ou de libération selon les points de vue compteront 150 000 soldats. Le recrutement obligatoire, l’effort de guerre demandé au petit Portugal privé de ses forces vives, les conditions effroyables d’une guerre de guérilla conduiront à l’affaiblissement de l’engagement portugais.
 

Dans quelle mesure la question coloniale est liée à la démocratisation du Portugal à partir de 1974 ?


Doc 1: repères: la transition démocratique au Portugal 1974-1976


Les conflits coloniaux en Afrique et une volonté de démocratisation du régime sont au coeur de la contestation qui secoue le Portugal au cours des années 70. Le 25 avril 1974, des militaires réformistes, le Mouvement des forces armées (MFA), élaborent un coup d'État qui entraîne le renversement du gouvernement dirigé par le premier ministre Marcello Caetano. Cette révolution « des Oeillets », qui se fait sans effusion de sang, permet à Antonio de Spinola, un général limogé quelques mois auparavant, de prendre le pouvoir. Le général Costa Gomes lui succédera quelques mois plus tard et un Conseil de la révolution sera formé. Au cours de ces années, le Portugal est témoin de plusieurs réformes -liberté d'association, abolition de la censure, nationalisations, etc.- , dont la tenue d'élections, les premières depuis un demi-siècle, qui ont lieu le 25 avril 1975. Elles sont dominées par les socialistes et le Parti démocratique qui raflent 195 des 247 sièges en jeu. Des négociations mèneront également à l'indépendance des colonies africaines portugaises -Mozambique, Angola, etc.

décembre 1979 Élection au Portugal d’un gouvernement majoritaire de l’Alliance démocratique juin 1976 Élection d’Antonio Ramalho Eanes à la présidence du Portugal
25 avril 1976
Élections législatives remportées par le Parti socialiste de Mario Soares.
2 avril 1976 Promulgation de la nouvelle Constitution.
1975
Tentatives de coup d’État conservateur (mars) puis révolutionnaire (novembre).
novembre 1975 Proclamation d'indépendance de l'Angola
juin 1975
Proclamation d'indépendance de la République populaire du Mozambique septembre 1974 Accession de la Guinée-Bissau à l'indépendance
avril 1974 Renversement du gouvernement (révolution des Oeillets) au Portugal novembre 1970 Invasion de la Guinée par des troupes portugaises

Doc 2
La Révolution des Oeillets en 4 minutes
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Doc 3: le troisième empire colonial portugais
 
Doc 4. Mario Soares - Biographie
Mario Soares (1924-2017) Professeur à l’université, Mario Soares est un opposant au régime dictatorial de Salazar. Plusieurs fois arrêté, il s’exile en France, où il poursuit ses activités politiques, au sein du Parti socialiste portugais, dont il devient secrétaire général. Après la victoire des socialistes aux législatives de 1976 (90 % de taux de participation), il devient Premier ministre, poste qu’il occupe de nouveau de 1983 à 1985, avant d’être élu président en 1986.

 
Doc 2bis: Les œillets, symboles de fraternisation et de paix entre la population et l’armée Des militaires se mêlent à la population, Lisbonne, 25 avril 1974

Le 25 avril 1974 à l’aube, 150 officiers et 2 000 soldats s’emparent d’objectifs stratégiques. Le soutien du général Spinola permet d’éviter les affrontements. Le président du Conseil, Marcelo Caetano, se rend avant d’être exfiltré au Brésil.

Le 25 avril 1974, peu après minuit, les auditeurs de l’émission « Limite », sur les ondes de Radio Renascença, n’en crurent pas leurs oreilles : c’est Grândola Vila Morena, une chanson interdite, que diffusait la station de l’Église catholique portugaise. Dans les casernes, quelques centaines de militants du MFA (Mouvement des forces armées) attendaient ce signal pour grimper sur les jeeps et dans les chars d’assaut et rouler vers le centre de Lisbonne. Quand le jour s’est levé, quarante et un ans de dictature avaient pris fin : les Lisboètes dansaient dans les rues, embrassaient les militaires démocrates et leur tendaient des œillets rouges.

François-Xavier Gomez, « Au Portugal, quand une chanson fit la révolution », Libération, 25 avril 2017.