Inde puissance scientifique

La circulation des étudiants indiens est-elle un atout ou un frein pour le développement scientifique de l'Inde ?
1. Le système éducatif indien comparé aux autres puissances
 
2. La mobilité étudiante en Inde
 
3. Emmanuel Macron souhaite 30 000 étudiants indiens en France d'ici 2030
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5. L'attractivité universitaire, un reflet de l'influence indienne
Au total, l’infrastructure indienne comprend 2 500 instituts d’ingénieurs, 1400 instituts universitaires de technologie and 200 écoles de planification urbaine et d’architecture. Chaque année, l’Inde « produit »1,5 million d’ingénieurs. Le National Council of Educational Research and Training (NCERT), un organisme gouvernemental autonome fondé en 1961 pilote un plan national de recherche de talents. Dès le lycée, des jeunes garçons et filles possédant les aptitudes pour devenir ingénieurs sont identifiés par cette institution, qui organise des examens. Ensuite, le NCERT finance la formation des jeunes sélectionnés jusqu’au doctorat à l’aide des bourses. De son côté, l’Indian Technical and Economic Cooperation Programme (ITEC),lancé dès 1964, finance des bourses pour former des ingénieurs venus de pays en voie de développement. L’ouverture à l’international ne s’arrête pas là. Si l’Inde forme des jeunes issus de pays plus pauvres qu’elle, elle ne rechigne pas à passer des accords avec les entreprises des pays développés. Ainsi, le premier ministre Rajiv Gandhi, qui était connu pour être un passionné d’informatique, a négocié un accord bilatéral de coopération scientifique et technologique avec le Japon en 1985. L’investissement de Suzuki Motors Corporation en Inde dans les années 1980 a contribué au développement de l’industrie automobile et à l’introduction de technologies japonaises en Inde. Des liens avec les États-Unis ont été aussi créés. Dans les années 1960, l’émigration d’ingénieurs indiens a été perçue comme une fuite des cerveaux. Quelques années plus tard, les échanges se font dans les deux sens. En 1987, ouvre le bureau d’Infosys Technologies Ltd, entreprise fondée par N.R. Narayana Murthy avec sept autres ingénieurs logiciels à Bangalore en 1981. En 2000, la société a aidé plusieurs entreprises américaines à corriger le bug de l’an 2000 avec une équipe de cinquante ingénieurs. Si les entreprises indiennes telles que Infosys, Wipro, Cognizant, Tata Consultancy Services, and Tech Mahindra sont aujourd’hui présentes dans la Silicon Valley, et si environ 25 % des start-up de la Silicon Valley sont dirigées par les Indiens, les entreprises de Silicon Valley investissent plus d’un milliard de dollars par an en Inde. Ce brassage nécessite et facilite la formation d’ingénieurs en Inde. Le revers de la médaille Si les succès indiens sont incontestables, ils ne doivent pas occulter certains défis qui se posent aujourd’hui. D’ores et déjà, les institutions de formation d’ingénieurs chinoises sont mieux classées au niveau international. L’entrée par concours garantit certes l’égalité entre tous et l’inclusion des femmes. Reste que le système est dans les faits moins égalitaire qu’il n’y paraît. En effet, les classes aisées peuvent envoyer leurs enfants dans des sessions préparatoires privées qui coûtent cher. En outre, la compétition est si forte que certains étudiants se suicident après avoir échoué au concours d’entrée pour ne pas décevoir leurs parents. Une fois intégrée, la formation est exigeante et ne laisse pas beaucoup de place au repos. Le taux d’insertion des ingénieurs indiens a tourné autour de 57 % en 2023. Et la récente annonce par le gouvernement indien d’une mission pour la IA promet de créer des débouchées pour les ingénieurs formés en Inde. De quoi créer peut-être une nouvelle vague de figures emblématiques des succès scientifiques de l’Inde.
 
4. Brain gain ou brain drain ?

Le brain drain n'est nulle part plus important qu'en Inde. « En janvier 2021, plus d'un million d'étudiants étudiaient à l'étranger dans plus de 85 pays, dont plus de la moitié en Amérique du Nord. En 2024, le nombre d'étudiants indiens étudiant à l'étranger devrait atteindre 1,8 million, alertait l'entrepreneur Vaibhav Maloo dans le Times of India en 2022. Ce groupe motivé, éduqué et compétent emporte notre précieux capital humain ». Et le problème c'est que souvent ces jeunes restent dans le pays où ils ont étudié : « le taux d'installation des étudiants indiens est généralement plus élevé que celui de l'ensemble des étudiants internationaux », relève l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans un rapport de 2022. Deux raisons essentielles expliquent cette grande masse de départs : un système éducatif indien paralysé et élitiste et le manque de perspectives professionnelles. « L'économie indienne, bien qu'en forte croissance, ne crée pas assez d'emplois, en particulier pour les jeunes Indiens, dont beaucoup sont au chômage ou relégués à des tâches qui ne correspondent pas à leurs compétences », écrivait le Financial Times en mars 2023.

Courrier international, Hors-série, août-septembre 2023.

Brain drain (fuite des cerveaux): migration des élites à la recherche de meilleures conditions de travail Brain gain: retour d’élites ayant suivi des études à l'étranger et incitées à revenir dans leur pays pour investir et travailler
Diaspora: dispersion d'une communauté ethnique ou d'un peuple à travers le monde.