Au total, l’infrastructure indienne comprend 2 500 instituts d’ingénieurs, 1400 instituts universitaires de technologie and 200 écoles de planification urbaine et d’architecture. Chaque année, l’Inde « produit »1,5 million d’ingénieurs. Le National Council of Educational Research and Training (NCERT), un organisme gouvernemental autonome fondé en 1961 pilote un plan national de recherche de talents. Dès le lycée, des jeunes garçons et filles possédant les aptitudes pour devenir ingénieurs sont identifiés par cette institution, qui organise des examens.
Ensuite, le NCERT finance la formation des jeunes sélectionnés jusqu’au doctorat à l’aide des bourses. De son côté, l’Indian Technical and Economic Cooperation Programme (ITEC),lancé dès 1964, finance des bourses pour former des ingénieurs venus de pays en voie de développement.
L’ouverture à l’international ne s’arrête pas là. Si l’Inde forme des jeunes issus de pays plus pauvres qu’elle, elle ne rechigne pas à passer des accords avec les entreprises des pays développés. Ainsi, le premier ministre Rajiv Gandhi, qui était connu pour être un passionné d’informatique, a négocié un accord bilatéral de coopération scientifique et technologique avec le Japon en 1985. L’investissement de Suzuki Motors Corporation en Inde dans les années 1980 a contribué au développement de l’industrie automobile et à l’introduction de technologies japonaises en Inde.
Des liens avec les États-Unis ont été aussi créés. Dans les années 1960, l’émigration d’ingénieurs indiens a été perçue comme une fuite des cerveaux. Quelques années plus tard, les échanges se font dans les deux sens. En 1987, ouvre le bureau d’Infosys Technologies Ltd, entreprise fondée par N.R. Narayana Murthy avec sept autres ingénieurs logiciels à Bangalore en 1981. En 2000, la société a aidé plusieurs entreprises américaines à corriger le bug de l’an 2000 avec une équipe de cinquante ingénieurs.
Si les entreprises indiennes telles que Infosys, Wipro, Cognizant, Tata Consultancy Services, and Tech Mahindra sont aujourd’hui présentes dans la Silicon Valley, et si environ 25 % des start-up de la Silicon Valley sont dirigées par les Indiens, les entreprises de Silicon Valley investissent plus d’un milliard de dollars par an en Inde. Ce brassage nécessite et facilite la formation d’ingénieurs en Inde.
Le revers de la médaille
Si les succès indiens sont incontestables, ils ne doivent pas occulter certains défis qui se posent aujourd’hui. D’ores et déjà, les institutions de formation d’ingénieurs chinoises sont mieux classées au niveau international.
L’entrée par concours garantit certes l’égalité entre tous et l’inclusion des femmes. Reste que le système est dans les faits moins égalitaire qu’il n’y paraît. En effet, les classes aisées peuvent envoyer leurs enfants dans des sessions préparatoires privées qui coûtent cher. En outre, la compétition est si forte que certains étudiants se suicident après avoir échoué au concours d’entrée pour ne pas décevoir leurs parents. Une fois intégrée, la formation est exigeante et ne laisse pas beaucoup de place au repos.
Le taux d’insertion des ingénieurs indiens a tourné autour de 57 % en 2023. Et la récente annonce par le gouvernement indien d’une mission pour la IA promet de créer des débouchées pour les ingénieurs formés en Inde. De quoi créer peut-être une nouvelle vague de figures emblématiques des succès scientifiques de l’Inde.