L'invention de l'Amérique
Comment Christophe Colomb et ses successeurs ont-ils révélé un nouveau continent au reste du monde ?
Doc. facultatif: La projection de Mercator
Ce document peut être utilisé pour commenter la carte et expliquer que le planisphère de Waldseemüller n'utilise pas une projection de Mercator comme nous y sommes habitués.
 
Doc 1. Le contexte religieux et politique en Espagne


Les rois catholiques, le contexte politique dans les royaumes d'Espagne

Jean-Frederic Schaub
L'Histoire, n°355, 2010
Doc 4. Journal de Christophe Colomb
Tracé des côtes d'Hispaniola (Saint-Domingue ; Haïti) que Colomb explore en Décembre 1492.
Il y rencontre des indiens décrits comme pacifiques et "sans religion" (les Taïnos).


Le 12 octobre 1492 : découverte de San Salvador
« La terre paraît à deux heures du matin. Au matin, je débarque dans une petite île. Je déploie la bannière royale et j'en prends possession au nom du Roi et de la Reine. [...] Alors nous vîmes des gens nus [...] très dépourvus de tout; ils n'ont pas de fer. Je crois qu'ils se feraient aisément chrétiens, car il m'a paru qu'ils n'étaient d'aucune religion. [...] J'étais très attentif et m'employais à savoir s'il y avait de l'or. [...] À force de signes, je pus comprendre qu'au sud était un roi qui en avait énormément. » Le 21 octobre : à la recherche de Cipangu (Japon) «Je vais partir pour une grande île qui doit être Cipangu d'après ce que m'en disent les Indiens qui l'appellent Colba (Cuba). » Le 12 novembre «Je fis prendre six jeunes gens et six femmes pour les conduire devant les Rois Catholiques, leur faire apprendre notre langue [...] et qu'au retour, ils puissent servir d'interprètes aux chrétiens et aider à amener dans le pays nos coutumes et notre religion. »
Le 16 décembre : pas d'or ni d'épices mais un nouveau projet « Que vos Altesses veuillent croire que les terres sont bonnes et fertiles. [...] Il suffit de s'y établir. [...] Les Indiens sont propres à être commandés et à ce qu'on les fasse travailler, semer et mener tous autres travaux dont on aurait besoin, à ce qu'on leur fasse bâtir des villes. » Le 15 mars 1493 : le retour « La nouvelle s'était répandue que l'Amiral revenait des Indes. Un grand nombre de personnes vinrent [...] pour le voir et pour regarder les Indiens. C'était une chose merveilleuse à voir. »
 
Doc 3. Cipangu sur le globe de Martin Benhaim vers 1492
Le globe de Martin Benhaim synthétise les connaissances géographiques des savants européens à la veille du voyage de Christophe Colomb. Il témoigne aussi des fantasmes projetés sur l'Asie et issus en grande partie du récit de Marco Polo.

La légende en allemand indique: "Cette île de Zipungut (sic) se trouve à l'est du monde. Ses habitants adorent des idoles. Le roi n'y est assujetti à personne. Dans l'île on trouve de l'or en surabondance ainsi que des pierres précieuses et des perles. Ceci a été écrit par Marco Polo, Vénitien, dans son troisième livre". Sur l'île du Nord au Sud on peut aussi lire les indications suivantes: "Forêt de noix de muscade" "Forêt de poivre" "L'île de Cipangu a son propre roi et langage"
"Cipangu où est produit beaucoup d'or"
"Cipangu est l'île de l'Orient la plus noble et riche en épices et pierres précieuses et son pourtour est de 1200 milles" "Dans cette île sont produites de l'or et des épices en abondance"


 
Doc 2. Une accumulation d'erreurs de calcul
Représentation de l'hémisphère occidental du globe de Martin Behaim, dans le livre L'Homme et la Terre d'Élisée Reclus, superposée aux positions réelles des continents.


"Ptolémée évaluait le degré terrestre à 50 milles nautiques (60 en réalité) : une erreur de 20 % par défaut. Alfayran, géographe musulman du IX siècle, avait fait une erreur, lui, de 10 % par excès (66 milles). Pour une raison qui nous échappe, Colomb avait mal lu Alfayran, et lui attribuait un degré court de 45 milles. C’est ce degré qu’il choisit contre l’évaluation traditionnelle de Ptolémée. Colomb a donc imaginé la terre la plus petite jamais proposée. Toutes ces erreurs cumulées aboutissent, comme la carte le montre, à ramener à 2 400 milles (au lieu de 10 600) la distance des Canaries au Japon. Cipangu, dans cette hypothèse, se trouverait en avant de nos Antilles, à la hauteur de la mer des Sargasses. La réduction de la difficulté de la liaison occidentale est plus grande, encore, dans l’esprit de Colomb . Il faut se rappeler, en effet, qu’entre L’Europe et le Japon il place, sur le modèle des archipels déjà découverts : Açores, Madère, Canaries, Cap-Vert, des « Ant-isles ». D’où, lors du premier voyage, l’identification, sans hésiter, de Cuba à Cipangu (Journal, 26 octobre 1492)."
Pierre Chaunu, L'expansion européenne du XIII au XV siècle (1995), pages 166 à 229

Voir aussi les calculs de Paolo Toscanelli, savant florentin qui a écrit au roi du Portugal et à Chrisophe Colomb à propos de la route des Indes par l'ouest.

Doc 6. Le partage du monde à Tordesillas
Jean-Frédéric Schaub
L'Histoire N°355; 2010
 
Doc 5. Les premières rencontres vues par l'Europe (gravure de Théodore de Bry)
La découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492
Dans Grands voyages, America pars quarta. Figure IX
Théodore de Bry (1528-1598), auteur, 1594.
Gravure en taille douce
BnF, Cartes et plans, GE FF 8185 RES
© Bibliothèque nationale de France

La découverte de l'Amérique est celle de nouvelles terres, mais aussi celle de "nouveaux" peuples à travers lesquels va se construire l'image d'un autre, figure étrange que l'on s'emploie, soit à réduire en esclavage, soit à idéaliser dans le mythe du "bon sauvage".Un siècle après l'événement, Théodore de Bry illustre cette rencontre entre Européens et Amérindiens pour une collection consacrée aux Grands Voyages. Sa planche n'est pas un document soucieux de vérité historique, mais une création artistique qui traduit l'imaginaire européen de l'époque quant à la découverte du Nouveau Monde. Publiée en 1592, la planche est à replacer dans le contexte des guerres de religion : gravée par un protestant en exil, l'image semble dénoncer la "catholisation forcée" des populations indigènes (représentées nues, vulnérables), par les colons espagnols (figurés armés, dominateurs) alors que ceux-ci sont accueillis avec bienveillance par des cadeaux de valeur. La croix chrétienne, dressée par les Espagnols à gauche de l'image, et la lance, tenue fermement par Colomb, annoncent l'appropriation d'un territoire et sa conversion.Deux moments distincts de la découverte du Nouveau Monde sont représentés sur l'image. À l'arrière plan figurent les trois vaisseaux de la flotte de Christophe Colomb : deux caravelles, la Pinta et la Niña, et son navire amiral, la Santa Maria. L'équipage ploie les voiles tandis qu'une chaloupe se remplit, et qu'une autre conduit les Espagnols au rivage. Colomb rapporte dans son Journal de bord que l'île est peuplée d'Indiens Taïnos, alors en guerre avec la tribu des Caraïbes, qui enlèvent les femmes et dévorent les prisonniers. On voit ces indigènes, représentés comme des individus "naturels", courant nus à droite de l'image. Ils paraissent apeurés par l'arrivée des Espagnols, si différents d'eux dans leurs armures brillantes. La rencontre proprement dite à lieu au premier plan : Christophe Colomb en impose, habillé comme un prince et tenant fermement une hallebarde en signe de puissance et d'autorité. Face à lui, les "sauvages", tous semblablement nus, pagne à la taille, présentent à Colomb : bijoux, coffres, statues et autres vases, symboles de leur richesse, c'est-à-dire des gisements aurifères que les Espagnols vont exploiter.Ainsi paraissent les indigènes à Colomb et, à travers lui, aux Européens : des peuples sauvages, lâches, voire bêtes, mais généreux, car offrant l'or qu'ils ne manquent pas d'adorer selon la projection fantasmée d'Européens avides de richesses. Le décor est planté pour les siècles à venir : on ne se trouve pas là dans une volonté de connaître et de comprendre mais de convertir et d'exploiter.

Source: © Bibliothèque nationale de France
 

Chronologie


DateEvénementGéolocalisation
1475-79Guerre de succession de Castille
1482Les rois catholiques relancent la Reconquista
1492prise de Grenade et expulsion des Juifs d’Espagne37.269,-3.658
1492Capitulation de Santa Fe. Premier voyage de Christophe Colomb24.0387,-74.4897
1493-1496Deuxième voyage de C. Colomb (exploration Cuba, Jamaïque, Saint Domingue)18.225,-77.223
1494Traité de Tordesillas.
1498-1500Troisième voyage de C. Colomb: aborde Venezuela10.6584,-63.3961
1502-04Quatrième voyage de C. Colomb14.9984,-83.1563
1503 création à Séville de la Casa de contratación de las Indias37.3814,-5.9972
15111er évêché à Santo Domingo (Hispaniola)18.528,-69.944
1513Vasco Núñez de Balboa atteint le Pacifique en traversant l’isthme de Panama8.2658,-78.2605
1514Reconnaissance estuaire du Río de la Plata par Juan Díaz de Solís -34.647,-57.675
Figures historiques à mobiliser et termes à définir
  • Christophe Colomb
  • Isabelle la Catholique
  • Evangélisation
  • Cipango