Doc 1: Penser en géographe
« De façon très schématique, et donc forcément très caricaturale, on peut distinguer trois moments de la discipline :
- Un premier temps […] « classique ». […] Un deuxième temps où la géographie abandonne ses fondements naturalistes pour devenir une science sociale (années 1960). Son objet devient l’espace géographique, c’est-à-dire l’espace en tant qu’il est organisé par les sociétés. La démarche est hypothético-déductive (émettre des hypothèses, recueillir des données, puis tester les résultats pour réfuter ou appuyer les hypothèses).
- Un dernier temps est celui du territoire, c’est-à-dire l’espace en tant qu’il est approprié par les sociétés, les groupes, les individus. Cette appropriation pouvant être politique et/ou subjective. Avec le territoire, la géographie devient politique et humaniste (elle prend en compte le vécu, le perçu, les pratiques, l’identité, les individus). […]
On peut résumer en quatre grandes questions le questionnement géographique : Quoi ? (identifier l’objet). Où ? (localiser dans l’espace et dans le temps). Pourquoi ici et pas ailleurs ? (saisir la singularité de l’objet). Pourquoi et comment ? (expliquer).
Ce questionnement s’accompagne d’un certain nombre de réflexes.
1. Combiner les échelles d’observation et d’analyse : c’est l’approche multi-scalaire, qui implique de mobiliser plusieurs échelles spatiales (locale, régionale, nationale, continentale, mondiale) et temporelles (temps long, temps court, etc.).
2. Observer l’interaction entre les échelles : c’est l’approche transcalaire, rendue indispensable par la globalisation de certains processus (comprendre comment le local est dans le global, et inversement).
3. Opérer un va-et-vient constant entre le général et le particulier. Tout raisonnement géographique doit s’appuyer sur des exemples concrets spatialisés. Inversement, chaque cas particulier doit être mis en regard avec d’autres cas et être analysé à partir de concepts qui permettent une montée en généralité.
4. Apporter une attention particulière aux « acteurs », c’est-à-dire aux personnes, groupes, institutions qui agissent sur (et grâce) à l’espace géographique.
5. Souligner les interactions entre activités et acteurs (exemple : la station de sport d'hiver et les conséquences sur l'agriculture). C’est l’approche systémique.
6. Montrer les évolutions des phénomènes observés, observer les flux, faire de la prospective (projeter dans le futur des scenarios nombreux et complexes). C’est l’approche dynamique.
Le tout permettant d’étudier la dimension spatiale des sociétés et des faits sociaux»
D’après Magali Reghezza-Zitt (géographe), préface à la Géographie de la France d’Eloïse Libourel, Armand Colin, 2017