Document 3
Une gestion durable des forêts pour répondre aux besoins de la marine
Au milieu du xviie siècle, la marine française est dans un piètre état […]. Seuls deux ou trois vaisseaux peuvent affronter la haute mer. La marine doit louer ou acheter des navires étrangers en cas de guerre. Colbert décide alors de réorganiser toute la filière, de la culture du chêne au chantier naval. La construction d'un grand vaisseau nécessite d'abattre jusqu'à 4 000 chênes centenaires. Or à cette époque, il n'existe pas de politique forestière digne de ce nom. Le défrichage et la surexploitation des forêts royales ont provoqué une baisse régulière de la surface boisée. La forêt s'étend alors sur environ 13 millions d'hectares. Le bois de chêne étant insuffisant, on en importe essentiellement d'Italie et d'Albanie. Le pin, utilisé pour le gréement (1), provient d'Europe du Nord. […] Mais toutes ces importations ne conviennent pas à Colbert. Aux yeux de cet homme d'État, la forêt constitue à la fois une source de richesse importante, « un trésor qu'il faut soigneusement conserver », et une ressource indispensable pour la construction de navires. […] L'ordonnance d'août 1669 scelle une reprise en main vigoureuse des forêts françaises. […] Dans la foulée, les chantiers navals sont réorganisés pour que la fabrication d'un navire prenne un rythme industriel. L'effort est considérable. En 1677, la marine est en possession de 300 vaisseaux et galères. […] C'est la Révolution qui porte un coup à cette politique. La liberté de coupe, restaurée par une loi de 1791, et l'anarchie ambiante livrent les futaies(2) au pillage. Le massif forestier s'en trouve réduit de 500 000 hectares.
Jacques-Marie Vaslin, « Les chênes français, le “trésor” de Colbert », Le Monde, 27 avril 2011.
(1) ensemble du matériel nécessaire à la manœuvre des bâtiments à voile (notamment voiles et cordages)
(2) Forêt composée d'arbres de grande taille