Les crises de la IIIe République
L'assassinat du président Sadi Carnot le 24 juin 1894 à Lyon
Une du “Petit Journal” 2 juillet 1894

Le 24 juin 1894, à l'occasion de l'Exposition universelle, internationale et coloniale qui se déroule au parc de la Tête d'or à Lyon, le président Sadi Carnot participe à un banquet organisé en son honneur
Alors que Sadi Carnot quitte le banquet et salue une foule compacte, la voiture présidentielle s'engage rue de la République. C’est à ce moment que l’anarchiste italien Sante Geronimo Caserio monte sur le marche-pieds et blesse le président en le frappant au foie à l'aide d'un couteau.
Le président s'effondre en arrière sur le siège, portant la main à sa blessure et prononçant « Je suis blessé ». Alors que l'entourage et l'escorte du chef de l'État mettent quelques instants à comprendre ce qui vient de se produire, l'assassin n'essaie pas de fuir immédiatement mais court autour de la voiture du moribond en criant « Vive la Révolution ! » puis « Vive l'anarchie ! ». Peu après, il est finalement immobilisé et arrêté par les badauds et les gendarmes
 
Les anarchistes pourchassés
Le 9 janvier 1883, s’ouvre à Lyon le procès de 66 anarchistes accusés d’appartenir à l’Association internationale des travailleurs (AIT), société interdite depuis la loi Dufaure de 1872. Ce procès se tient quelques mois après celui de la « Bande noire », groupe anarchiste de Montceau-les-Mines [lire notre article] et quelques semaines après l’explosion d’une bombe dans un restaurant de Lyon. Pour autant, aucun des prévenus n’est accusé d’actes terroristes, comme le souligne le pourtant conservateur Le Figaro.
"Aucun des prévenus n'est d'ailleurs poursuivi pour avoir pris part matériellement aux désordres de Saône-et-Loire ou à l'attentat de Lyon. Mais tous, et parmi eux M. Emile Gautier et le prince Kropotkine, sont accusés d'avoir organisé l'agitation anarchiste, soit dans la presse, soit dans des sociétés secrètes. »
 
Lois de 1893 et 1894 sur l'anarchisme dites Les lois scélérates

Les «lois scélérates» sont une série de trois lois votées dans l'urgence pour lutter contre les actions anarchistes qui menaçaient de déstabiliser des pans de la société. C'est le 11 décembre 1893, soit deux jours après l'attentat d'Auguste Vaillant, que Jean Casimir-Perier soumet à la Chambre des députés un ensemble de mesures pour sauvegarder «la cause de l'ordre et celle des libertés publiques». C'est une modification de la loi de 1881 qui ne punissait que la provocation directe ; désormais la provocation indirecte, l'apologie, est elle aussi punie et un juge peut ordonner la saisie et l'arrestation préventive. Le texte de la première des trois «lois scélérates» est adopté le 12 décembre 1893 par 413 voix contre 63 après une demi-heure de discussion sans qu'une suspension de séance demandée par l'un des député pour lire le texte ne soit autorisée. La seconde loi est discutée le 15 décembre, à peine 4 jours après avoir été déposée. Elle concerne les associations de malfaiteurs et vise spécifiquement les groupuscules anarchistes, alors nombreux et particulièrement actifs. C'est une loi qui vise à pouvoir inculper tout membre ou sympathisant sans faire de distinction. Elle encourage aussi à la délation : «Les personnes qui se seront rendues coupables du crime, mentionné dans le présent article seront exemptes de peine si, avant toute poursuite, elles ont révélé aux autorités constituées l'entente établie ou fait connaître l'existence de l'association. ». Elle est votée le 18 décembre 1893. La troisième loi, votée le 28 juillet 1894, est probablement la plus marquante pour les anarchistes dans la mesure où elle les vise directement en les nommant et en leur interdisant tout type de propagande. C'est suite à cette loi que de nombreux journaux anarchistes comme Le Père Peinard sont interdits


Anarchisme: courant révolutionnaire selon lequel la liberté passe par le rejet de toute forme d’autorité (État, Église, patron).
Attentat anarchiste contre la Chambre des députés (9 décembre 1893)

Illustration de F. Lix pour le Petit Journal, 23 décembre 1893

L’anarchiste Auguste Vaillant lance une bombe dans l’hémicycle pour protester contre l’exécution d’un anarchiste, la misère sociale et la corruption parlementaire révélée par le scandale du Panama. Il est arrêté et exécuté le 5 février 1894.6
 
Couverture du Petit Journal, représentant l'arrestation de Ravachol (1858-1892).
Né en 1859 à Saint-Chamond, François Claudius Koeningstein dit Ravachol (du nom de sa mère), est l’aîné d’une famille très modeste et éclatée (son père retourne définitivement aux Pays-Bas en 1866). Il devient ouvrier teinturier mais peine à faire vivre ses proches. Aussi prend-il assez tôt conscience de la dureté des conditions de travail et prête une oreille attentive aux revendications syndicales, devient gréviste, puis est licencié. Alternant chômage et travail, Ravachol glisse peu à peu dans la délinquance jusqu’au meurtre. Arrêté en juin 1891 à Saint-Étienne, il s’échappe de manière rocambolesque et fuit à Paris où il est recueilli par des camarades anarchistes. Ensemble, ils fomentent et commettent des attentats à la bombe contre des auxiliaires de justice qui avaient sévèrement condamné d’autres anarchistes. À nouveau arrêté, Ravachol est jugé une première fois par la Cour d’assises de la Seine, qui le renvoie à la Cour d’assises de la Loire afin qu’il réponde de ses crimes, notamment celui de l’ermite de Chambles. Il est condamné à mort et guillotiné le 11 juillet 1892 à Montbrison.