Mémoires de la guerre D'Algérie
Les harkis : épisode /11 du podcast La guerre d'Algérie
AUDIO • La guerre d'Algérie, épisode /11 : Les harkis. Une série inédite proposée par France Inter. Écoutez 2000 ans d'histoire, et découvrez nos podcasts en ligne.
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Les réfugiés harkis en France
Une fille harkie devant une tente militaire dans le camp en 1962 - Fonds Bailhache

Au lendemain de la signature des Accords d'Évian, le 18 mars 1962, des harkis et leurs familles font l'objet de violences de la part de membres du Front de libération nationale (FLN).
Dès l'indépendance de l'Algérie, le 3 juillet 1962, la situation s'aggrave. Des dizaines de milliers d'entre eux sont tués, d'autres milliers sont emprisonnés, quand presque tous les autres sont mis au ban de la société. Il est reproché aux hommes leur "engagement" sous le drapeau français. Par ordonnance française du 21 juillet 1962, ils perdent leur nationalité française.
Entre juin 1962 et fin 1963, malgré les mesures prises par les autorités françaises pour les maintenir dans l'Algérie indépendante, environ 90 000 personnes (hommes, femmes et enfants) traversent la Méditerranée pour se réfugier en France. Ces familles sont traitées en "réfugiés" à surveiller et non en "rapatriés" comme les Européens qui, eux aussi, ont dû quitter l'Algérie. Autour de 22 000 personnes - soit plus de la moitié - sont reléguées dans le camp de Rivesaltes.
 
Les harkis: terme désignant à l'origine les unités d'Algériens combattant dans l'armée française, puis, par extension, tous les Algériens ayant plus ou moins collaboré avec l'occupant français

Une unité de harkis en Oranie en 1956
À partir de 1960, l’État français recrute massivement des Algériens pour servir dans l’armée française lors de ses opérations en Algérie. Ces soldats, connus sous le nom de « harkis », sont victimes de violentes représailles en Algérie après l’indépendance car ils sont considérés comme des traîtres. Le gouvernement français refuse d’abord de les rapatrier, puis les traite comme des réfugiés n’ayant pas les mêmes droits que les citoyens français. La question des harkis demeure encore aujourd’hui une question mémorielle particulièrement sensible.
 
 
Les violences contre les harkis

En 2008, Mabrouk raconte l’exécution d’un harki sur la place de son village. Quand l’Armée de libération nationale (ALN) ne se charge pas des harkis, ce sont les villageois eux‑mêmes qui commettent des exactions.

« D’abord, ils l’ont fait travailler – travailler la terre – et les gens sont venus et lui ont jeté des pierres. Ils lui ont craché dessus. C’était horrible. Ils lui ont coupé la tête avec une faux. Ils ont dit qu’ils le décapitaient pour l’exemple. Mais c’était seulement parce que les gens l’avaient chassé. C’était incroyable... Il était sergent, donc il fallait le tuer. Il n’y a eu aucun procès – aucun jugement. Les gens avaient juste à dire : « oh, lui, là, il a fait de vilaines choses ». Puis ils le coupaient en morceaux. Ils faisaient des incisions – des boutonnières, ils appelaient ça – sous la peau de ceux qu’ils attaquaient et les remplissaient de sel... Ils nous faisaient quitter l’école pour regarder et leur tourner autour en criant « vive l’Algérie ». Parfois, ils attaquaient même les enfants harkis. Ils jetaient les têtes [des décapités] dans les poubelles. »

cité par Vincent Crapanzano, « De la colère à l’indignation. Le cas des harkis », Anthropologie et sociétés, 2009.