Mers et oceans
6. Un détroit sous tension
Ce n’est plus un point de passage, c’est un goulet d’étranglement. [...] Le détroit de Malacca frôle la congestion. En son point le plus étroit, le pas n’excède d’ailleurs pas les 3 kilomètres de large. Moins connu que Suez ou Panama, ce bras de mer, le plus fréquenté au monde – un tiers du trafic mondial et 90 % de celui de la Chine, soit un bateau toutes les huit minutes –, est régulièrement l’objet d’actes de piraterie ou de tensions régionales relatives à la sécurité du détroit et à la souveraineté. [...] Si la zone intéresse le Japon, la Chine et l’Inde, elle est également l’objet d’une attention particulière des États-Unis depuis 1945. En pleine guerre froide, le détroit de Malacca permet un déplacement rapide des forces navales américaines entre l’océan Indien et le Moyen-Orient. « Toute remise en question de la liberté de circulation dans ce détroit était perçue comme une atteinte au déploiement des flottes navales et donc au maintien de l’équilibre des puissances militaires », explique Nathalie Fau. [...] Depuis le 11 septembre 2001, Washington considère à nouveau le détroit comme une zone stratégique majeure alors qu’un « front » s’ouvre en Asie du Sud-Est dans la guerre contre le terrorisme. [...] L’engorgement est tel qu’il a ces dernières années poussé la Chine à sécuriser ses échanges commerciaux en envisageant le contournement du détroit de Malacca par le projet des nouvelles routes de la soie. [...] [La Thaïlande] envisage ainsi de s’affranchir du détroit de Malacca en construisant le canal de Kra dans la partie méridionale du pays, dont la largeur est réduite à seulement 44 kilomètres. Ce nouveau point de passage permettrait également aux transporteurs de réduire leur trajet de 1 200 kilomètres. [...] Plusieurs entreprises chinoises [ont] montré leur intérêt dans la construction du canal de Kra.
Lina Sankari, « Malacca, cœur de toutes les rivalités en Asie du Sud‑Est », L’Humanité, 29 janvier 2016.
 
Au carrefour de lʼocéan Indien et de lʼocéan Pacifique, le détroit de Malacca est un axe essentiel des flux maritimes mondiaux. Enjeu économique et militaire majeur à lʼéchelle mondiale, il est également au cœur des stratégies géopolitiques des acteurs de la région, dont les intérêts entrent parfois en conflit avec la dimension internationale du détroit.
 
1. Un carrefour maritime
 
2. Un enjeu stratégique international

Le rôle international, tant militaire qu’économique, du détroit de Malacca s’est nettement affirmé dans les années 2000. […] Le détroit de Malacca est une artère vitale pour l’économie japonaise tant pour son approvisionnement en matières premières que pour ses exportations vers l’Europe de produits manufacturés. Par lui transitent près de 41 % des importations totales de l’archipel nippon et notamment 80 % de son pétrole en provenance du golfe Arabo-Persique. […] La Chine dépend de Malacca pour exporter ses productions, en particulier vers l’Europe, son premier partenaire commercial depuis 2005, mais aussi pour importer des hydrocarbures. [En] réaction à ce qui est perçu comme la nouvelle stratégie chinoise dite « du collier de perles (1) », le gouvernement indien envisage désormais le détroit de Malacca comme une extension de la mer d’Andaman. Nathalie Fau, « Les enjeux économiques et géostratégiques du détroit de Malacca », Géoéconomie, 2013

(1) Stratégie chinoise déployée pour sécuriser les ports (les perles) en Chine mais aussi au Myanmar, au Sri Lanka, au Pakistan, pour les transformer un jour en bases navales. Ces ports sont situés le long de la principale route maritime par laquelle transitent les hydrocarbures du Moyen-Orient dont dépend la Chine.
3. Des volumes de marchandises spectaculaires
Relié à plus de 600 ports dans le monde entier, Singapour héberge le deuxième port à conteneurs du monde après Shanghai, avec 36,6 millions d’EVP, soit 593 millions de tonnes de marchandises, pour lʼannée 2018.
 
7. Un détroit menacé

La piraterie sévit dans le détroit de Malacca depuis des décennies. Le détroit est placé sous la responsabilité de l’Indonésie, de Singapour, de la Thaïlande et de la Malaisie, membres de l’ASEAN et qui forment une unité d’intervention internationale contre la piraterie, la Malacca Straits Sea Patrol.
 
5. L’évolution du trafic maritime dans le détroit de Malacca
 
4. Des flux pétroliers hautement stratégiques
Un peu plus de deux tiers des flux mondiaux de pétrole et de gaz transitent par le détroit de Malacca. Pour les pétroliers, la route maritime par le détroit de Malacca est en effet la plus courte entre le golfe Persique et l’Asie orientale.