C’est de fait la frontière la plus traversée du monde avec 3 millions de mouvements par an (migrants autorisés ou illégaux, soit plus d’un million, et 1,5 million reconduits). Tijuana en est le poste frontalier le plus fréquenté du monde (200 000 personnes par jour, un record mondial), et de nombreux « Naftagates » grillagés franchissent le Rio Bravo.
Passer la frontière, c’est transformer le rêve en réalité pour près de 70 millions de touristes en comptant les excursionnistes qui bénéficient des mouvements prix bas mexicains, des législations favorables au jeu (Tijuana) et pour des retours au pays après avoir pendant des années expédié des « remesas », virements de migrants. La frontière fonctionne donc comme soupape de sûreté désamorçant les tensions intestines de la société mexicaine.
Les flux de marchandises sont intenses et désormais 80 % des échanges du Mexique se font avec son voisin du Nord : pétrole, matières premières, minerais, produits agricoles du Sonora et biens d’équipement, services financiers, culturels (TV cinéma). Les infrastructures sont saturées dans cette zone où le coût salarial est un moteur continu d’investissements (salaire minimum de 2, 9 euros de l’heure en 2008). Pourtant, désormais, c’est le trafic de cocaïne qui rythme le quotidien de la frontière (77 % de l’approvisionnement du marché américain transite par le Mexique et des centres de redistribution de Phoenix,d’ Houston).
Les flux financiers se diversifient en cumulant à la fois des aides au Mexique mais aussi des IDE américains dans l’assemblage, les industries de consommation, IDE investis d’abord dans l’extractif puis dans l’industrie de consommation, l’assemblage avec réexportation et « outsourcing », c’est-à-dire délocalisations par les firmes américaines de segments de production. Les rétrotransferts ont symboliquement représenté en 2007 la moitié des exportations pétrolières mexicaines pour un montant de 25 mds de dollars et plus de deux fois le tourisme. Ils sont au cœur d’un « développement par l’exil » qui renforce l’intérêt stratégico-économique de cette frontière.