Rappelons les enjeux : si les Etats poursuivent leurs trajectoires actuelles de production de GES, la planète connaîtra un réchauffement de 5°C d’ici 2100. Afin d’éviter ce qui se présente comme un drame absolu (montée des océans, pertes drastiques en biodiversité, basculement de régions dans un ratio climat/humidité invivable), il faut atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050. En France, l’objectif affiché du gouvernement est de diviser nos émissions par deux d’ici à 2030. Mais, votée en juillet 2021, la loi Climat est bien trop timide, comme le soulignent scientifiques et activistes climatiques.
Il faut des mesures radicales : pour décarboner nos moyens de transport, diminuer au maximum le transport aérien (supprimer des lignes intérieures quand une alternative est possible en train) et, surtout, l’usage de la voiture individuelle à essence ; décarboner l’agriculture, en réduisant l’usage de produits polluants et en limitant l’élevage, responsable de fortes émissions de méthane ; rénover nos logements pour qu’ils retiennent mieux la chaleur en hiver, etc. Abandonner sa voiture, devenir végétarien.ne, couper le chauffage : l’autoritarisme est alors séduisant.
Rien de mieux qu’une pression venue d’en haut pour pousser les Français.e.s à avoir enfin un comportement écologiquement vertueux, puis qu’iels en seraient incapables s’il fallait leur laisser le choix.
Mais quels effets sont produits par la force ? Tout le monde se souvient de l’échec de la taxe carbone en 2018 ; considéré comme socialement injuste, ce projet de loi a été vite abandonné, face aux pressions des Gilets jaunes. Lorsque le pouvoir tente de faire passer en force l’écologie contre le social, les deux sont perdants. Méprisant, infantilisant, un autoritarisme dirigé contre la population serait surtout inefficace.
Car celle-ci n’est pas un troupeau de moutons qu’il faudrait forcer à aller dans le sens de l’Histoire, écologiquement parlant. L’exemple de la Convention citoyenne ne démontre-t-il pas que, bien informé.e.s, les citoyen.ne.s savent prendre les bonnes décisions pour le climat ? Les Français.e.s ont déjà adopté des comportements vertueux. On ne compte plus les initiatives qui fleurissent ici et là, rurales et urbaines, pour s’entraider dans ce grand projet de transition écologique et solidaire. Agriculture bio ou raisonnée, économie de partage, valorisation de l’ancien, de la récup’… Dans les autres cas, ce n’est pas la volonté qui manque : c’est plutôt l’argent, le nerf de la guerre, comme toujours.
Car le véritable problème est ailleurs. Quitte à faire preuve d’autoritarisme, autant que ce soit pour les véritables coupables : que penser des milliards d’euros qui échappent au pays, lorsque les grandes entreprises ne paient pas leurs impôts en France ? Quelles mesures contre les banques et les assureurs, qui continuent d’investir dans des projets soutenant les énergies fossiles ? C’est là que le gouvernement devrait assumer son autorité, au lieu de se contenter de timides invitations à ne plus financer de pétrole, de gaz ou d’hydrocarbures non-conventionnels.
Dernier argument. Quels sont les grands absents de la COP26 ? La Chine, le Brésil, la Turquie… qui ne respectent ni les droits humains, ni les écosystèmes. Espérer que la transformation de notre pays en « dictature verte » permettrait de soulager la planète, c’est oublier que parmi les dictatures actuelles ou passées, aucune n’est verte. Il ne faut pas se laisser happer par cette dangereuse illusion. La transition écologique sera démocratique ou ne sera point.
Le changement climatique est en cours. Cela aura quelques conséquences graves pour les personnes qui sont vivantes aujourd’hui et en capacité de prendre des décisions, mais surtout pour les générations futures qui ne peuvent pas voter, qui ne peuvent pas nous pousser à faire les choix nécessaires pour les protéger. Il y a donc un devoir moral plus que égoïste à limiter le changement climatique. Limiter le changement climatique passe par une diminution des émissions de dioxyde de Carbone et autres gaz à effet de serre.
Une partie de cette limitation peut être obtenue par la technologie (isolation, moteurs plus efficaces) et par un transfert massif des usages de l’énergie fossile vers une électricité peu carbonée. Cependant, les études sur cette question montrent que ce ne sera pas suffisant et qu’une part de sobriété est absolument nécessaire. Cette sobriété implique une diminution de notre consommation au sens large, et donc des restrictions d’usage. Ces restrictions peuvent elle être uniquement volontaires ?