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La loi de 1970, qui a rendu illicite le cannabis, reste pertinente, avec la confirmation de la nocivité de cette drogue. La France est, pour sa consommation, au premier rang des 27 états Européens, avec 1 600 000 usagers réguliers et 600 000 usagers quotidiens ou multi-quotidiens.

Le cannabis, par son tétrahydrocannabinol (THC), induit une dépendance psychique ainsi qu’une dépendance physique. Les taux de THC des produits en circulation ont été multipliés d’un facteur 3 à 8 en 30 ans, accroissant d’autant sa nocivité ; 300 000 collégiens l’ont déjà expérimenté. Or, plus tôt l’essayer, c’est plus vite l’adopter et plus intensément se détériorer. 20% de ceux qui l’ont expérimenté en sont devenus dépendants, alors qu’on ne dispose d’aucun traitement pour les en détacher.

Le THC est la seule drogue qui se stocke très durablement dans l’organisme. «Un joint perdure huit jours dans la tête et plein de joints des mois dans le cerveau». Le cannabis n’est pas une drogue douce, c’est une drogue lente !

Le cannabis incite à la consommation d’alcool, rencontre qui multiplie par 14 le risque d’accident mortel de la route. Il accroit la toxicité du tabac, déjà responsable chaque année en France de 78.000 morts et de beaucoup d’estropiés. Le THC induit ivresse, désinhibition, incitation à des prises de risque, à des relations sexuelles non consenties, ou sans contraception, ou sans prophylaxie des maladies sexuellement transmissibles. Il fait mauvais ménage avec la grossesse, avec hypotrophie fœtale, incidence sur la mort subite inexpliquée du nourrisson et retard du développement de l’enfant.

La fumée du cannabis est plus agressive que celle du tabac pour les voies respiratoires ; avec davantage d’oxyde de carbone, réduisant le transport de l’oxygène par l’hémoglobine. Elle comporte 6 à 8 fois plus de goudrons cancérigènes pour la gorge, les bronches et les poumons.

Le cannabis est la 3ième cause de déclenchement d’infarctus du myocarde ; il induit chez des sujets jeunes des artérites des membres inférieurs ainsi que des accidents vasculaires cérébraux. Le THC ayant apaisé l’anxieux, l’incite à en user, puis à en abuser. Quand il devient inopérant, l’anxiété réapparait, plus vive que primitivement. Il en va de même avec les troubles dépressifs qui réapparaissent plus intenses, avec un risque suicidaire accru.

Le cannabis perturbe les processus éducatifs : par l’ivresse ; en réduisant l’éveil et l’attention ; par démotivation ; en troublant la mémoire à court terme, sans laquelle ne peut se former une mémoire au long terme. La France, qui dépense beaucoup pour l’éducation de ses jeunes voit ses efforts ruinés par cette drogue (27ième place au classement PISA)

La relation est désormais bien établie entre la consommation de cannabis et le développement de la schizophrénie (la folie). Quand tout brûle, abandonner les extincteurs de la loi ferait s’envoler la consommation de cannabis vers le nombre des alcoolo-dépendants (4 500 000) et même des tabaco-dépendants (13 000 000).


Jean Costentin

Professeur émérite de l’université de Rouen, Dr. en médecine, Pharmacien, Dr. ès Sciences

Ex directeur de l’unité de Neuropsychopharmacologie du C.N.R.S. (1986-2008), Membre titulaire des académies nationales de Médecine et de Pharmacie

Président du Centre National de Prévention, d’Etudes et de recherche sur les Toxicomanies (CNPERT)

Légaliser le cannabis, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, veut dire le contrôler : contrôler sa production, sa qualité mais aussi sa distribution que ce soit pour des objectifs thérapeutiques ou récréatifs. Mais c’est surtout réduire drastiquement son trafic et les délits associés. Pour être efficace la légalisation devra être absolument accompagnée par des mesures sociales en faveur des familles qui ne survivent souvent que grâce au trafic de cannabis.

Dépénaliser l’usage personnel du cannabis signifie que l’usager n’est plus sujet à une action pénale (emprisonnement) mais sera passible de sanctions administratives (amende, interdiction de fréquenter certains lieux). Ce cadre, adopté en Espagne et au Portugal, permet en général de réduire les incarcérations et augmenter l’accès aux soins des usagers. Toutefois son impact sur le trafic n’est pas prouvé.

Quid de la dangerosité du cannabis ? A ce jour il existe un classement rigoureux fondé sur les dommages sanitaires et socio-économiques pour l’usager et la collectivité qui classe le cannabis en 8ème position après de nombreux produits dont l’alcool et le tabac qui tout en étant « légaux » sont bien plus dangereux que le cannabis.

Aux USA, dans les états qui ont légalisé le cannabis, la consommation chez les jeunes n’a pas augmenté. La légalisation a surtout permis à beaucoup de patients de se soigner autrement et souvent mieux, en favorisant des modes de consommation à moindre risque comme la vaporisation.

Le cannabis contient un nombre important de composants, dont deux en particulier ont été étudiés avec des objectifs thérapeutiques : le cannabidiol (CBD) qui n’a pas de propriétés psychoactives et le tetrahydrocannabinol (THC) qui au contraire en a.

La présence du CBD réduit les effets psychoactifs du THC. Le cannabis du marché noir peut contenir des proportions beaucoup plus élevées de THC que celui issu de la plante, ainsi que d’autres produits psychoactifs, ce qui peut expliquer des effets plus importants, un risque de dépendance au produit, et des troubles associés à l’usage, en particulier chez les jeunes. Un cannabis « légal » permettrait de contrôler l’accès à un produit non seulement qualitativement meilleur, donc plus efficace pour des objectifs thérapeutiques, mais aussi moins dangereux dans le contexte récréatif.

Les propriétés thérapeutiques du cannabis sont nombreuses mais méconnues : il peut remplacer plusieurs médicaments (anti nausées, antidouleurs, stimulateurs de l’appétit) pour soulager les effets secondaires des chimiothérapies anticancéreuses. Il soulage les symptômes de la sclérose en plaque et les douleurs neuropathiques souvent résistantes aux antidouleurs classiques. Le cannabidiol en particulier s’est révélé très efficace pour contrôler les crises épileptiques chez des patients qui ne répondaient à aucun autre traitement auparavant. Des chercheurs, ont également montré que les composantes du cannabis ont des effets anticancéreux et des études cliniques sont en cours pour confirmer ces résultats. Les débouchés sont nombreux et la légalisation du cannabis pourrait aider à faire avancer la recherche sur ses bénéfices aussi en France.


Patrizia Carrieri,

Ingénieur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) UMR912 – SESSTIM

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