Débattre ou non avec Zemmour”. Cette question qui a enflammé les réseaux sociaux est légitime et je comprends celles et ceux qui se sont interrogés sur l’opportunité de le faire et le risque de lui donner de la visibilité. Mais la réalité politique l’avait dépassée, Eric Zemmour existant déjà de fait comme personnage politique répandant impunément sa haine raciste. Se pose alors une autre question : comment en est-on arrivé là ?
La réponse est simple car les coupables sont connus. La pensée raciste a d’abord pignon sur rue dans les médias matin, midi et soir. Les thèses les plus abjectes comme le “grand remplacement” ont été totalement banalisées. Eric Zemmour a personnellement bénéficié d’une campagne gratuite depuis des mois sans qu’il n’ait eu à bouger le petit doigt. Le tout, bien évidemment, sans jamais être mis face à des contradicteurs contestant ses horreurs.La responsabilité du gouvernement est centrale. Car la majorité a préféré légitimer l’agenda politique de l’extrême droite plutôt que de la combattre. Avec une secrétaire d’Etat se déclarant moins effrayée par Zemmour que par le discours intersectionnel. Avec un ministre de l’Intérieur reprochant à Le Pen d’être trop molle. Avec une accumulation de textes législatifs opportunistes rabâchant les références à l’immigration, la sécurité, l’Islam.Résultat : Zemmour est devenu aujourd’hui une réalité politique. Le monstre a été créé… et il ne disparaîtra pas tout seul ! La question de l’ignorer ou non n’a plus de sens. Il est candidat de fait, même s’il prétend encore s’interroger. Il touche un électorat potentiel significatif confirmé par toutes les enquêtes d’opinion. Et notre devoir politique n’est pas de le regretter mais de l’affronter sur le terrain des idées.
Se pincer le nez et se cacher les yeux devant l’extrême-droitisation néfaste du débat public dans notre pays n’apportera aucune réponse. Les postures de confort doivent s’effacer car il est temps de contre-attaquer en opposant à l’avenir cauchemardesque proposé par l’extrême-droite une réponse de cohésion, d’espoir et de rassemblement.Débattre avec Zemmour, c’est d’abord rappeler que tout le monde ne pense pas comme lui. C’est l’occasion de l’affronter sans sourciller ni s’excuser de ses valeurs. Il faut nommer les choses. Oui, Zemmour tient des propos racistes et misogynes. Oui, nous pensons qu’il est un danger terrible. Non, nous ne céderons pas d’un pouce face à ses fantasmes de guerre civile.
Débattre avec Zemmour, c’est également exposer l’arnaque (béante) de sa pensée. Car ânonner inlassablement “Islam” lorsqu’on est interrogé sur le Covid, la justice fiscale, le climat ou les inégalités ne fait pas un projet. L’extrême-droite a toujours joué de ce flou, prétendant défendre le peuple alors qu’elle ne remet aucunement en cause l’accaparement des richesses et du pouvoir par une poignée. Et ce double-discours doit être exposé !Le débat entre Zemmour et Mélenchon a permis de le rappeler. Car au-delà de ses délires racistes suintant la haine et la peur panique, Zemmour n’est qu’un triste mélange entre le pire de Le Pen et le pire de Macron. La société d’affrontement ethnique et religieux de l’une. La brutalité néolibérale antisociale de l’autre. Avec un zest du déni écologique de Trump en bonus.
En démocratie, on ne se défile pas devant ses responsabilités. On part convaincre, même quand c’est difficile. Pour donner de la force aux siens en incarnant l’espoir et pour réveiller ceux qui doutent. Débattons, partout, tout le temps. Dans les médias, dans les cafés, dans les marchés, dans les rues. C’est la seule manière de reprendre la main sur notre destin collectif.
« Nous venons de vivre un moment majeur de la campagne présidentielle. Jean-Luc Mélenchon a mis un coup d’arrêt à la progression de l’extrême droite. Il ouvre une issue positive pour le pays.
« Peut-on débattre avec tout le monde ? » La question n’est pas nouvelle, mais elle a revêtu ces dernières semaines une actualité particulière avec l’omniprésence médiatique du néofasciste Zemmour et les velléités, à droite comme à gauche, de débattre publiquement avec lui. Disons-le d’emblée : il s’agit pour nous d’une question tactique, et le fait de ne pas être d’accord à son propos n’est pas en soi le signe de divergences insurmontables. Il s’avère néanmoins qu’il ne s’agit pas d’une question annexe, a fortiori lorsque des individus aux idées malfaisantes saturent l’espace médiatique.
Si nous avions été conviés à un débat en tête-à-tête avec Zemmour sur BFM-TV, nous aurions refusé. Car un débat suppose une confrontation de pensées, d’idées, d’arguments. Ce que ne produit pas un personnage comme Zemmour, qui ne fonctionne qu’à l’outrance, à la provocation, à l’injure. Accepter de « débattre » en tête-à-tête avec Zemmour et consorts, c’est donc en premier lieu s’illusionner sur la possibilité de « déconstruire rationnellement des arguments », puisqu’il n’y a de facto aucun argument à déconstruire, pas plus que l’on ne peut démonter une pierre. Mais c’est aussi participer à donner le statut de « pensée » ou d’ « idées » faisant légitimement partie du débat public à ce qui n’est rien d’autre que des propos de haine et d’incitation à la violence — comme l’ont d’ailleurs confirmé les tribunaux.
Le fait que les grands médias et la droite aient contribué, depuis de longues années, à légitimer l’extrême droite et ses idées, est une évidence, et loin de nous l’idée selon laquelle un débat avec Zemmour en 2021 serait le moment fondateur de cette légitimation. Il n’en demeure pas moins que rien n’oblige la gauche, qu’elle soit réformiste ou révolutionnaire, à participer à ce processus de légitimation en acceptant des tête-à-tête médiatiques avec les héritiers des nazis. Un type de configuration très différente, soulignons-le, du débat présidentiel d’avril 2017, entre touTEs les candidatEs, dans lequel la présence de tel ou tel ne jouait nullement un rôle de légitimation des autres. Ce que nous avions montré en refusant, par exemple, de poser sur la « photo de famille ».
Au-delà des individus, la question des formats ne peut en effet être ignorée. La « méthode Zemmour » (raccourcis, amalgames, outrances) est parfaitement adaptée au format « débat contradictoire mis en scène par une chaîne d’info » – à moins que ce ne soit l’inverse. Zemmour est partout, son discours fasciste aussi, et il y a bien d’autres moyens de le combattre que de venir sur « son » terrain. Le résultat est malheureusement connu d’avance : « C’est comme se battre avec un porc. Vous finissez tous les deux couverts de boue, et le porc est content. »
Philippe Poutou
Candidat du NPA à la présidentielle