L'entre-soi bourgeois
Le XVIe arrondissement a une image symbolique extérieure forte de richesse. C’est vrai que l’homogénéité sociale y est importante. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde est riche. La richesse est dispersée. À l’intérieur même de l’arrondissement, il y a une très forte ségrégation. Si l’on prend les codes postaux, le 75116, au nord de l’arrondissement, est un quartier grand-bourgeois. Et à l’intérieur de ce quartier, on retrouve, sur le modèle des poupées russes, d’autres phénomènes de microségrégations, comme avec la villa Montmorency, totalement emmurée, impénétrable. […] Il s’agit d’un entre‑soi bourgeois. On est dans un entre-soi résidentiel, mais aussi idéologique fort, ce qui est une particularité du XVIe arrondissement. […] Au second tour de l’élection présidentielle de 2012, Sarkozy a fait 78 %. […] Ce quartier a été construit par et pour les bourgeois. […] Les riches doivent pouvoir avoir de l’espace, et cet espace redouble leur pouvoir symbolique. On le voit bien dans l’homogénéité urbaine et architecturale du XVIe arrondissement : les avenues sont larges, il y a des jardins, de la verdure, on sent qu’on respire mieux… Il n’y a absolument rien en commun avec la Goutte d’Or par exemple [quartier populaire du XVIIIe arrondissement, ndlr]. […] Il y a à peine 4 % de logements sociaux dans l’arrondissement, alors que la loi SRU impose un seuil de 25 %. Les habitants ont aussi refusé que le tramway passe dans leur quartier. Le fait de vivre entre soi procure un sentiment d’impunité, l’argent les persuade qu’ils peuvent échapper à toute règle de solidarité sociale.
Juliette Deborde, « Le XVIe est l’arrondissement de l’entre‑soi bourgeois », interview de la sociologue Monique Pinçon‑Charlot, Libération, 17 mars 2016.