Le lien social
Fortnite: une nouvelle sociabilité numérique
Les joueurs de Fortnite sont nombreux à témoigner d’un même sentiment : il s’agit plus d’une activité sociale et d’un lieu à part entière que d’un simple jeu de combat. « Ma fille utilise Fortnite comme lieu alternatif où elle peut construire plein de choses (au lieu de se battre) et papoter avec les copains de son frère en même temps » témoigne une mère de famille. [Pour un autre joueur] « Fortnite est le nouveau lieu de rassemblement, qui remplace le centre commercial, le Starbucks ou le fait de déambuler en ville. C’est le nouveau salon, sauf qu’il propose tout un univers à explorer ensemble, peu importe l’endroit dans le monde où l’on se trouve ». Beaucoup parlent ainsi de Fortnite comme d’un tiers-lieu – de l’anglais Third Place, qui fait référence, nous apprend Wikipédia, « aux environnements sociaux qui viennent après la maison et le travail. Il se rapporte à des espaces où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle ». « Grâce à un ensemble de choix de conception astucieux, Epic Games a construit un véritable tiers-lieu numérique, un lieu de rencontre où les joueurs disposent d’une très grande autonomie pour mener les expériences qu’ils souhaitent » écrit un joueur qui compare cette expérience à celle d’un skatepark ou d’une plage de surfeurs : « Fortnite fournit un endroit sûr pour sortir, expérimenter, faire des bêtises. Être libre. » Clément Jeanneau, « Pourquoi il faut (sérieusement) s’intéresser à Fortnite », Signaux faibles, 26 décembre 2018.
 
Un tournoi de League of Legends en Chine
Credit: Riot Games

 
Le témoignage d’une victime de cyberharcèlement


Les insultes et les remarques désobligeantes sur ma couleur de peau sont régulières, explique Amina Hamouine, 33 ans, mannequin algérienne à la peau noire. « Cela se produit dans la rue, alors que je me promène avec mes parents, mais aussi lorsque les photos de mes shootings sont publiées. Sur Internet, le harcèlement est systématiquement lié à mon physique et à ma couleur de peau. » […] La présence des femmes algériennes sur les réseaux sociaux les expose particulièrement au harcèlement. Imène Shetae, 26 ans, a lancé une chaîne YouTube en 2013. La jeune femme, voilée, y présente des tutoriels de maquillage, des astuces pour couvrir ses cheveux et parle de ses voyages. « J’ai reçu beaucoup d’insultes sur mon physique, ma façon de parler, le fait que j’utilisais la langue anglaise. Plus mon nombre d’abonnés augmentait, plus il y avait d’insultes et plus elles étaient vulgaires. » Zahra Chenaoui, « Miss Algérie 2019 face au racisme et au sexisme », LeMonde.fr, 11 janvier 2019
En Corée du Sud, des instavidéastes font fortune

Agence France-Presse
le 26 mars 2021
L'instavidéaste sud-coréen Kim Min-kyo se filme en train de jouer à un jeu vidéo chez lui, à Anyand, au sud de Séoul.
PHOTO : AFP / ED JONES

Enfermé dans un débarras au-dessus de l'appartement de sa mère à Séoul, Kim Min-kyo joue à des jeux vidéo jusqu'à 15 heures par jour et fait fortune grâce aux milliers de personnes qui suivent en direct ses exploits. À 24 ans, ses prouesses, qu'il commente avec humour, lui permettent de gagner environ 50 000 dollars américains par mois, mais son mode de vie est resté inchangé. Je n'aime pas vraiment les voitures ni dépenser beaucoup d'argent, a expliqué Kim Min-kyo, qui mange, dort, se lave et travaille dans son espace réduit. C'est ma mère qui gère mon argent, ajoute-t-il. Les instavidéastes, c'est-à-dire les personnes qui diffusent en direct des contenus, ont un nom particulier en Corée du Sud. On les appelle les broadcast jockeys ou BJ. Ces personnes s'exposent ainsi durant des heures pendant qu'elles discutent, jouent à des jeux, écoutent de la musique, et même quand elles mangent et dorment.

Ces vidéos en direct sont particulièrement populaires auprès des ados et des vingtenaires, qui les préfèrent aux contenus des vedettes traditionnelles. Un petit nombre d’instavidéastes gagnent jusqu'à 100 000 dollars américains par mois pour la diffusion en continu sur la plateforme sud-coréenne AfreecaTV et pour leurs contenus sur YouTube. Kim Min-kyo, qui se montre souvent en train de jouer en ligne à League of Legends, reconnaît que parfois, il faut faire quelque chose d'absurde pour attirer des gens. C'est grâce à ses adeptes qu'il gagne sa vie, par le biais de dons, de placements de produits – il lui arrive de boire des boissons énergisantes sud-coréennes – et de la publicité sur YouTube, où il compte plus de 400 000 abonnements. Des dérives possibles
La diffusion en continu, qui n'est pas réglementée, suscite cependant régulièrement des controverses. Elle est notamment pointée du doigt pour ses contenus parfois osés dans une société sud-coréenne qui demeure profondément conservatrice, et des instavidéastes se sont vu reprocher des propos misogynes ou des dérives vers la violence.

Un confinement rentable
La pandémie de COVID-19 n'a fait que favoriser l'expansion de ce phénomène. Alors que la population était invitée à rester chez elle au printemps dernier pour juguler la première vague de COVID-19, le temps passé à regarder des vidéos sur des téléphones intelligents a explosé, et YouTube dit avoir enregistré l'an dernier d'énormes pics d'audience partout sur la planète et notamment en Corée du Sud. Le modèle commercial d'AfreecaTV est de vendre aux téléspectateurs et téléspectatrices des starballoons, l'équivalent de points qui s'achètent 110 wons (0,12 dollar canadien) pièce. Ces montants peuvent ensuite être offerts à leurs instavidéastes de prédilection qui les convertissent en argent comptant, la plateforme prenant au passage une commission. Les dons effectués sur cette plateforme ont augmenté de plus de 20 % pour atteindre 41,5 milliards de won (46,1 millions de dollars canadiens) au troisième trimestre de 2020.
 
Écrans et solitude

Des chercheurs de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) se sont intéressés à la relation qui pourrait exister entre le temps passé ou perdu sur les réseaux sociaux et le sentiment d’isolement de ceux qui les utilisent. […] Les données récoltées ont permis aux chercheurs de dire qu’il existe un lien important entre « l’isolement social perçu » et une forte utilisation des réseaux sociaux […]. Si les chercheurs notent que les personnes qui ont passé le plus de temps sur les réseaux sociaux sont aussi celles qui se considèrent comme les plus isolées, ils ne disent pas que les réseaux sociaux sont la raison de cet isolement. Aucun lien de causalité ne peut être scientifiquement prouvé. […] La question à laquelle les chercheurs ne peuvent pas répondre est : se sent‑on seul parce qu’on passe trop de temps en ligne, ou passons‑nous trop de temps en ligne justement parce qu’on se sent seul ? Luc Vinogradoff, « Plus on utilise les réseaux sociaux, plus on se sent seul », LeMonde.fr, 9 mars 2017.
Des biens culturels inégalement consommés

 
Les réseaux ... sociaux?
Les nouvelles technologies entraînent de nouvelles pratiques de consommation et de loisirs, qui sont couramment montrées du doigt pour leurs conséquences négatives sur les relations sociales dans la vie quotidienne. Pourtant, elles sont également un mode de sociabilité à part entière et permettent de créer de nouveaux liens.
Vocabulaire

Addiction : dépendance (à une drogue, à une activité, etc.). Repli sur soi : attitude consistant à s’isoler, socialement et psychologiquement. Sociabilité : capacité à vivre en société, à créer et à entretenir des liens sociaux.

Cyberharcèlement : harcèlement sur Internet (réseaux sociaux, mails, forums de jeux vidéo, commentaires sur des vidéos ou des contenus). Harcèlement : agressions (physiques ou verbales) répétées ayant pour but d’affaiblir psychologiquement la personne qui en est victime.