La cohésion sociale en débats
Faut-il interdire la corrida ? - Le Drenche
Corrida : Aymeric Caron a déposé récemment une proposition de loi visant à l'abolir avant de la retirer. Et le sujet fera à nouveau débat.
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Contre: Préservons les spécificités culturelles de nos territoires !

La proposition de loi déposée par le député de la France Insoumise Aymeric CARON visant à interdire la corrida dépasse largement la question du bien-être animal. Elle remet en cause l’histoire de nos territoires et la pluralité culturelle qui fait la richesse de notre pays. Je peux comprendre que certains de nos concitoyens soient sensibles à la souffrance animale et rejettent cette pratique. Ils sont souvent issus de régions où cette tradition n’existe pas. Mais la corrida est une tradition culturelle bien ancrée dans le sud de la France, documentée depuis 1289 par exemple au Pays basque où j’habite. Des millions de Français assistent aux corridas chaque année, notamment lors des nombreuses ferias organisées durant la période estivale.

Le législateur garantit d’ailleurs cette spécificité culturelle. « La préservation du pluralisme des courants d’expression socioculturels » est inscrite dans notre bloc constitutionnel. Interdire la corrida impliquerait de revenir sur ces garanties. Quelle vision centralisée, parisienne de nos territoires ! Quelle mise au ban du monde rural ! Plus inquiétant, cette proposition de loi portée par des antispécistes augure d’une uniformisation délétère de notre société. Où s’arrêtera dans ce cas le processus ? Devra-ton aussi interdire la chasse, la pêche, l’agneau de lait, la course landaise ? J’ai un profond respect pour la tradition. Cet héritage contribue à notre cohésion sociale. Il permet de lutter contre la standardisation et l’aseptisation d’une culture mondialisée qui dissout toute pluralité culturelle et appauvrit notre vision du monde.Je m’insurge contre les manœuvres politiciennes qui, sous prétexte de lutter contre la maltraitance animale, utilise cette noble cause pour semer le trouble et la division. Monsieur Caron fait d’ailleurs preuve d’une certaine ambivalence idéologique. la mouture initiale de sa proposition de loi intégrait l’interdiction des combats de coqs, pratique largement répandue à la Réunion. Mais la forte représentation de députés issus de ces territoires, au sein du groupe de la France Insoumise, aura donc eu raison des apparentes bonnes intentions du député CARON. Notre société est aujourd’hui profondément divisée. La guerre est en Europe. Notre planète est en surchauffe. La récession nous guette. L’urgence est-elle vraiment à remettre en cause nos traditions en instrumentalisant la noble cause de la souffrance animale ? La France Insoumise est dans la provocation et l’agitation constantes mais nos concitoyens attendent mieux du débat parlementaire.

Contre: La tradition ne peut pas davantage être mise en avant pour faire perdurer la corrida

Depuis des décennies, les militants de la cause animale demandent l’abolition de la corrida. Précisons tout de suite le cadre : nous parlons uniquement de la corrida, les autres tauromachies que sont par exemple la camarguaise ou la landaise ne sont pas concernées. La corrida est reconnue en tant que sévices et actes de cruauté sur un animal lesquels sont exemptés de poursuites pénales dans certains départements. A l’examen de cette pratique - apparue en France en 1853 sous l’impulsion d’Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III – et de son environnement, il apparait qu’aucun argument ne puisse jouer en sa faveur. Economiquement, la corrida ne survit que grâce aux subventions publiques. Seules les férias ont des retombées économiques positives ; or moins de 4% des personnes qui participent aux férias se rendent aux arènes. Dans le même ordre de grandeur, environ 93% des taureaux présents sur les élevages extensifs situés en Camargue finissent à l’abattoir. Ces élevages et les terres sur lesquelles ils évoluent ne seront donc pas mis en danger par la fin des corridas. La tradition ne peut pas davantage être mise en avant pour faire perdurer la corrida : de nombreuses traditions ont été abandonnées parce qu’il s’est avéré au cours de l’Histoire qu’elles ne reflétaient plus l’évolution des mentalités, ou bien parce qu’à la lumière de la science, elles ne correspondaient plus aux croyances jusqu’alors admises.
En l’espèce, la corrida est déjà sanctionnée par le Code pénal de 5 ans de prison et de 75 000 euros d’amende sur 90% du territoire français. Elle est un rituel codifié qui voit des taureaux, animaux domestiques, torturés selon une orchestration définie en trois « tercios ». Le premier, le « tercio de pique », consiste à enfoncer une pique d’environ 9 cm dans le garrot du taureau afin de sectionner les muscles adducteurs du cou. Ainsi, le taureau ne pourra plus relever la tête, ou alors aux prix de grandes souffrances. Le deuxième tercio, « tercio de banderilles » consiste à enfoncer trois paires de harpons de 6 cm toujours dans le garrot afin de raviver l’animal déjà amplement affaibli par la pique. Le dernier « tercio » est celui ou interviendra la mort, la délivrance pour le taureau. Celle-ci est rarement instantanée. Une épée est enfoncée entre ses omoplates afin d‘atteindre les poumons et le cœur provoquant une hémorragie qui se traduit par des flots de sang rejetés par la bouche et les naseaux. Il faut souvent s’y reprendre à plusieurs fois et l’épée est alors retirée pour être de nouveau plantée. Lorsque l’animal s’écroule, un poignard lui est enfoncé dans la nuque afin de sectionner la moelle épinière. Cette technique d’immobilisation est proscrite dans les abattoirs au motif qu’elle est trop douloureuse. Lorsqu’on lui coupe les oreilles et la queue en trophée, l’animal est souvent toujours vivant, mais incapable du moindre mouvement.

Comment consentir à de telles pratiques qui dissimulent leur vraie nature derrière des considérations fallacieuses ? Le taureau ne veut pas être dans l’arène pour être transpercé de toutes parts au moyen d’armes blanches. Prétendre qu’il y est par essence destiné et arguer sur la noblesse de sa mort est une projection humaine obscurantiste dépourvue de tout fondement objectif et éclairé. En outre, comment qualifier une société qui admet de tels sévices en public ? Abolir la corrida est un humanisme.