Les transformations économiques et sociales en France (1848-1914)
Problématique

Comment les techniques nouvelles transforment-elles l'industrie et le monde ouvrier au XIXe siècle ?


Aspects à aborder

1. Des conditions de vie difficiles
2. une prise de conscience politique
3. la lente évolution des droits sociaux

Notions:

Prolétaire

Mouvement ouvrier: ensemble des associations syndicales et politiques au service de l’amélioration des conditions de vie et de travail des ouvrier
Syndicalisme Associations autorisées en France depuis 1884 et défendant des revendications professionnelles.
Doc 2. L'essor du monde ouvrier
Le monde ouvrier devient de plus en plus nombreux en raison de la demande, qui s’amplifie et gagne aussi en homogénéité. S’y dessine plus fermement la figure-type d’un ouvrier d’usine. La part de l’industrie est en 1866 de 28 % de la population active et assure un revenu à 29 % de la population totale. Le nombre des actifs ouvriers qui était de 1,3 million à la veille de 1848 frôle les 3 millions en 1870.
 
Doc 3. Des logements insalubres

Cette cave était si basse qu'il n'y avait qu'un seul endroit où l'on pût s'y tenir debout […]. Au fond il y avait deux lits […]. Je m'approchai d'un de ces lits, et j'y distinguai dans l'obscurité un être vivant. C'était une petite fille d'environ six ans qui gisait là, malade de la rougeole, toute tremblante de fièvre, presque nue, à peine couverte d'un vieux haillon de laine […]. La vieille femme, qui était la grand‑mère, nous dit qu'elle demeurait là avec sa fille qui est veuve et deux autres enfants qui reviennent à la nuit ; qu'elle et sa fille étaient dentellières ; qu'elles payaient dix‑huit sous de loyer par semaine, qu'elles recevaient de la ville tous les cinq jours un pain, et qu'à elles deux elles gagnaient dix sous par jour.

Victor Hugo Les Caves de Lille, rédigé en mars 1851 à l'attention de l'Assemblée.
Doc 1. Des conditions de travail difficiles
Un atelier de métallurgie à Toulouse en 1913

Le règlement de l'usine Hutchinson à Montargis (1855)

Introduit en mai 1855, le règlement de l’usine de fabrication de caoutchouc Hutchinson compte 47 articles.

«Art. 2 La journée commence à 5 heures et demi du matin et se termine à 7 heures du soir. […]
Art. 14 Quiconque troublera le bon ordre qui doit régner dans les ateliers ou refusera de se soumettre aux ordres de son contremaître […] sera passible d’une amende égale à la valeur d’une journée de travail. […]
Art. 30 Les ouvriers ou ouvrières qui causeront pendant les heures de travail, sauf cas où le travail l’exigerait, seront passibles d’une amende de 50 centimes. […]
Art. 37 Tout ouvrier qui sera absent les lundis ou lendemains de fêtes, hors les cas de maladie constatée ou de force majeure reconnue, sera passible d’une amende de 5 francs. »

Cité dans Jacques Warschnitter, À la rencontre d’Hiram Hutchinson, Chotard, 1980
 
Doc 4. L'essor de la production et de la mécanisation
Joseph Layraud, huile sur toile, 254 x 115 cm, 1889 (Écomusée de la communauté urbaine du Creusot, Montceau-les-Mines).

Le marteau-pilon est une imposante machine-outil de forge, haute de 21 mètres et pesant 100 tonnes. L’énorme bloc de fer est soulevé par la vapeur et retombe de tout son poids sur l’enclume. Cette toile a été réalisée pour l’Exposition universelle de Paris de 1889

Le marteau-pilon à vapeur a été inventé au Creusot. Au milieu du siècle, les usines Schneider du Creusot possèdent 13 hauts-fourneaux, 41 laminoirs et emploient plus de 10 000 ouvriers pour produire de la fonte, du fer, de l’acier et plus particulièrement plus de 50 locomotives par an.
 
 
Doc. 7 La peur du désordre ouvrier
Couverture du Supplément illustré du Petit Parisien le 17 mai 1891.
Sur la grand-place de Fourmies, l'armée ouvre le feu sur les grévistes.

Depuis 1889, à l'appel de l'Internationale ouvrière, le 1er mai est un jour de manifestation, notamment pour réclamer la limitation de la journée de travail à 8 heures. À Fourmies, une petite cité textile du nord de la France, les ouvrières et ouvriers travaillent dur dans les filatures. Les salaires sont bas et la crise économique accentue la précarité. Le 1er mai 1891 s'y annonce donc comme un jour de mobilisation ouvrière importante, d'autant plus que Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, vient d'y délivrer plusieurs conférences pour encourager les luttes locales. Après un mouvement de foule, l'armée tire sans sommation sur les manifestants, faisant dix morts, dont huit âgés de moins de 21 ans.
 
Doc. le droit de grève
La grève au Creusot, Adler Jules 1899

En mai 1864, le député Émile Ollivier, républicain proche de l'empereur, fait voter une loi autorisant les coalitions ouvrières. La grève reste punie quand elle s'accompagne de violences. Les opposants du régime critiquent une avancée insuffisante. Nénamoins, les grèves ouvrières se multiplient dans le dernier quart du XIXe siècle

Art. 414. Sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois ans et d'une amende de 15 francs à 3 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée de travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires, ou de porter atteinte au libre exercice de la liberté de l'industrie ou du travail.
 
Doc 5. Jean Jaurès, un socialiste convaincu
Jean Jaurès le 25 mai 1913, photographie anonyme

Professeur de philosophie, Jean Jaurès (1859-1914) est député socialiste de Carmaux à partir de 1892. Il s’engage alors dans une critique radicale de la société en fondant le quotidien L’Humanité en 1904 et la SFIO en 1905
 
Doc 5. la politisation du monde ouvrier
Le manifeste des soixante: dans ce texte les porte-paroles du monde ouvrier dénoncent un certain nombre d'interdiction qui pèsent sur le monde ouvrir et qui empêche son émancipation politique.
(extraits)

LE SUFFRAGE universel nous a rendus majeurs politiquement, mais il nous reste encore à nous émanciper socialement. La liberté que le tiers état sut conquérir avec tant de vigueur et de persévérance doit s’étendre en France, pays démocratique, à tous les citoyens.
(...)
nous qui n’avons d’autre propriété que nos bras, nous qui subissons tous les jours les conditions légitimes ou arbitraires du capital, nous qui vivons sous des lois exceptionnelles, telles que la loi sur les coalitions et l’article 1781*, qui portent atteinte à nos intérêts en même temps qu’à notre dignité, il nous est bien difficile de croire à cette affirmation.

Nous qui, dans un pays où nous avons le droit de nommer les députés, n’avons pas toujours le droit d’apprendre à lire ; nous qui, faute de pouvoir nous réunir, nous associer librement, sommes impuissants pour organiser l’instruction professionnelle, et qui voyons ce précieux instrument du progrès industriel devenir le privilège du capital, nous ne pouvons nous satisfaire de cette illusion.
(...)
nous qui n’avons pas le droit de nous entendre pour défendre pacifiquement notre salaire, pour nous assurer contre le chômage, nous affirmons que l’égalité écrite dans la loi n’est pas dans les mœurs et qu’elle est encore à réaliser dans les faits
[…]
La liberté du travail, le crédit, la solidarité, voilà nos rêves. Le jour où ils se réaliseront pour la gloire et la prospérité d’un pays qui nous est cher, il n’y aura plus ni bourgeois, ni prolétaires, ni patrons, ni ouvriers. Tous les citoyens seront égaux en droits.

L’Opinion nationale, 17 février 1864

* depuis 1849, la loi interdit la grève (coalition d'ouvriers). Un droit de grève restreint sera accordé par la loi de 1864