Doc 5. la politisation du monde ouvrier
Le manifeste des soixante: dans ce texte les porte-paroles du monde ouvrier dénoncent un certain nombre d'interdiction qui pèsent sur le monde ouvrir et qui empêche son émancipation politique.
(extraits)
LE SUFFRAGE universel nous a rendus majeurs politiquement, mais il nous reste encore à nous émanciper socialement. La liberté que le tiers état sut conquérir avec tant de vigueur et de persévérance doit s’étendre en France, pays démocratique, à tous les citoyens.
(...)
nous qui n’avons d’autre propriété que nos bras, nous qui subissons tous les jours les conditions légitimes ou arbitraires du capital, nous qui vivons sous des lois exceptionnelles, telles que la loi sur les coalitions et l’article 1781*, qui portent atteinte à nos intérêts en même temps qu’à notre dignité, il nous est bien difficile de croire à cette affirmation.
Nous qui, dans un pays où nous avons le droit de nommer les députés, n’avons pas toujours le droit d’apprendre à lire ; nous qui, faute de pouvoir nous réunir, nous associer librement, sommes impuissants pour organiser l’instruction professionnelle, et qui voyons ce précieux instrument du progrès industriel devenir le privilège du capital, nous ne pouvons nous satisfaire de cette illusion.
(...)
nous qui n’avons pas le droit de nous entendre pour défendre pacifiquement notre salaire, pour nous assurer contre le chômage, nous affirmons que l’égalité écrite dans la loi n’est pas dans les mœurs et qu’elle est encore à réaliser dans les faits
[…]
La liberté du travail, le crédit, la solidarité, voilà nos rêves. Le jour où ils se réaliseront pour la gloire et la prospérité d’un pays qui nous est cher, il n’y aura plus ni bourgeois, ni prolétaires, ni patrons, ni ouvriers. Tous les citoyens seront égaux en droits.
L’Opinion nationale, 17 février 1864
* depuis 1849, la loi interdit la grève (coalition d'ouvriers). Un droit de grève restreint sera accordé par la loi de 1864