Les transformations économiques et sociales en France (1848-1914)
Problématique

Comment se met en place l'école gratuite, obligatoire et laïque?


Aspects à aborder

1. Une école pour élites 2. La démocratisation de l’enseignement
3. Une école au service de la République

Notions:
Laïcité: principe selon lequel l’espace public doit être religieusement neutre pour garantir la coexistence entre tous les croyants et non-croyant
Doc 1. Une école pour les élites
Le lycée impérial de Rennes
Créé en 1802, le "lycée de Rennes" est un des 7 premiers lycées français du programme voulu par Napoléon. Dans le cadre de travaux de restructuration sous le Second Empire, en 1859, Jean-Baptiste Martenot propose un projet en brique et pierre de tuffeau, avec les bâtiments ouvrant sur la toute récente avenue conduisant à la nouvelle gare des Chemins de Fer de l'Ouest. Le bâtiment principal est achevé en 1863

Pendant le Second Empire, l’enseignement repose essentiellement sur le modèle créé par Napoléon (lycée, baccalauréat) et s'occupe de former les élites dont l’Etat a besoin : élites techniques, militaires, administratives, juridiques, médicales. Il s’appuie sur un nombre restreint d'institutions diverses: quelques dizaines de lycées et quelques centaines de collèges communaux, des pensions privées, ou encore des collèges congréganistes. Cet enseignement, aux formes très diverses, s’adresse évidemment à une petite minorité de privilégiés : même public, il est payant, et dans la France encore très rurale de l’époque, il suppose souvent l’internat, qui double ou triple les frais
 
Doc 2. L'école primaire se démocratise
Une salle de classe pendant l’instruction. L’Alphabet, Gravure XIXe siècle, Metz

Le 19e siècle est celui de l’alphabétisation des petits Français. La loi Guizot (1833) installe une école primaire par commune, puis la loi Falloux (1850) favorise la création de nombreux collèges d’enseignement libre. Cette politique, poursuivie sous le Second Empire par Victor Duruy, est parachevée sous la 3e République par Jules Ferry, qui instaure l’enseignement primaire obligatoire et gratuit (1881).

Loi Ferry: 1882
Art. 2 Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants,
l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires.
Art. 3 Sont abrogées les dispositions des articles 18 et 44 de la loi du 14 mars 1850, en ce qu’elles donnent aux ministres des cultes un droit d’inspection, de surveillance et de direc-
tion dans les écoles primaires publiques et privées.
Art. 4 L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus; elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie.
 
Doc. 3 Une classe de filles dans les années 1900

Classe de filles, école d’Hellemmes (Nord) pendant une séance de travail manuel (couture).
Archives départementales du Nord

Pour l'égalité de l'éducation des filles
«Réclamer l’égalité d’éducation pour toutes les classes, ce n’est que faire la moitié de l’œuvre. Cette égalité, je la revendique pour les deux sexes. Je sais que plus d’une femme me répond : mais à quoi bon toutes ces connaissances, tout ce savoir, toutes ces études ? À quoi bon ? Je pourrais répondre : à élever vos enfants, et ce serait une bonne réponse, mais comme elle est banale, j’aime mieux dire : à élever vos maris […].
Aujourd’hui, il y a une lutte sourde, mais persistante, entre la société d’autrefois, l’Ancien Régime, avec son édifice de regrets, de croyances et d’institutions qui n’accepte pas la démocratie moderne, et la société qui procède de la Révolution française […]. Or, dans ce combat, la femme ne peut pas être neutre ; les optimistes, qui ne veulent pas voir le fond des choses, peuvent se figurer que le rôle de la femme est nul, qu’elle ne prend pas part à la bataille, mais ils ne s’aperçoivent pas du secret et persistant appui qu’elle apporte à cette société qui s’en va et que nous voulons chasser sans retour […]. C’est pour cela que l’Église veut retenir la femme, et c’est aussi pour cela qu’il faut que la démocratie la lui enlève ; il faut choisir, citoyens : il faut que la femme appartienne à la science ou qu’elle appartienne à l’Église. » Discours de Jules Ferry, 1870


 
Doc 4 L'école au service de la République
La tache noire, Albert Bettanier, 1889


Dans une salle de classe située vraisemblablement à Paris compte tenu de la carte accrochée au mur du fond, un instituteur montre avec sa règle les « provinces perdues » sur une carte de France à un élève en uniforme de bataillon scolaire, formation organisée par Paul Bert (1833-1886), ministre de l’Instruction publique en 1881, qui permet aux élèves de s’exercer à la marche, au tir et au maniement des armes. D’abord mis en place à Paris, les bataillons scolaires seront généralisés à toute la France par un décret du 6 juillet 1882 (article premier : « Tout établissement public d’instruction primaire ou secondaire ou toute réunion d’écoles publiques comptant de deux cents à six cents élèves âgés de douze ans et au dessus pourra, sous le nom de bataillons scolaires, rassembler ses élèves pour des exercices gymnastiques et militaires pendant la durée de leur séjour dans les établissements d’instruction. » Le culte de la patrie est entré à l’école et les instituteurs ont pour ambition de faire de leurs élèves des patriotes sincères
 
 
Doc 5 La salle de classe

Dessin de Francisque Poublot, L'assiette au beurrre. 11 mai 1907.
«La République vous a donné le droit de vote… Enfants, aimez-la! Elle a fait de vous des électeurs"



Travaux d'élèves d'écoles primaires
Ces extraits présentent des exercices réalisés par des élèves des Hautes-Alpes en 1913 sur différents sujets de composition.
Sujet 1 : « L’enfant patriote »
« J’aime ma patrie de tout mon cœur. J’apprends bien son histoire et sa géographie. Je travaille courageusement à l’école pour obéir à la loi sur l’instruction et devenir un citoyen instruit. Je suis reconnaissant envers ma Patrie de tout ce qu’elle a fait pour me donner l’instruction et une vie agréable. Je veux me rendre fort et agile pour la défendre au besoin.»
Sujet 2 : « Liberté, Égalité, Fraternité »
« Il n’y a pas de plus belle devise que la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. Elle signifie que les Français sont libres et égaux de par les lois, qu’ils doivent s’aimer, se respecter, s’entraider comme des frères. Il faudrait que la belle devise dont nous nous honorons fût celle du monde entier.»
Cité dans TDC n°1005, «École et nation», déc. 2010